Lanthier, Nicolas
[UCL]
(fre)
La prévalence de l’obésité et des problèmes qui y sont associés (hypertension artérielle, dyslipidémie, hyperglycémie) inclus dans une entité clinique appelée syndrome métabolique, est croissante dans nos populations et devient un problème de santé mondial majeur. Un état inflammatoire chronique de bas grade a été démontré comme ayant un rôle dans le développement de l’insulinorésistance, un facteur clef du syndrome métabolique. Le tissu adipeux est un acteur important de ce processus. En effet, en cas d’obésité, le tissu adipeux est infiltré par des macrophages présentant un phénotype inflammatoire, dont les médiateurs influencent l’insulinosensibilité tant localement qu’à distance, dans les muscles et le foie. La résistance à l’insuline au niveau du foie résulte d’un défaut de suppression de production de glucose par les hépatocytes en réponse au stimulus insulinique. Ceci peut mener à une hyperglycémie et au diabète. Nous avons démontré le rôle central du foie dans l’initiation de l’insulinorésistance en réponse à l’alimentation riche en graisse chez la souris. En effet, les souris nourries avec une alimentation riche en graisse durant 3 jours présentent un gain pondéral significatif, une stéatose hépatique et une insulinorésistance spécifiquement hépatique, prouvée in vivo par la technique du clamp hyperinsulinémique-euglycémique et confirmée par une altération des voies de signalisation de l’insuline. Par contre, la captation périphérique de glucose de même que les voies de signalisation de l’insuline au niveau du muscle demeurent inaltérées. Contrastant avec l’inflammation décrite dans l’obésité, aucun changement n’a été mis en évidence au niveau des macrophages du tissu adipeux en termes de nombre ou de morphologie dans ce modèle à court terme. Cependant, comme le tissu adipeux, le foie possède également des macrophages résidents, appelés cellules de Kupffer (KC). Après 3 jours d’alimentation riche en graisse, la stéatose et l’insulinorésistance hépatiques sont associées avec des changements inflammatoires locaux. On observe en effet des cellules de Kupffer de grande taille, avec une proportion augmentée de cellules CD68 positives (activées) et l’expression majorée de l’ARN messager des marqueurs macrophagiques (TLR4, CD14 et TNF). Ceci plaide donc en faveur de l’activation des macrophages hépatiques résidents. Nous avons ensuite démontré que cette activation des KC participait à l’initiation de l’insulinorésistance hépatique induite par le régime riche en graisse. En effet, la déplétion sélective des KC obtenue par l’injection intraveineuse de liposomes contenant du clodronate, sans affecter les macrophages du tissu adipeux, améliore l’insulinosensibilité hépatique in vivo. Contrastant avec le régime court, l’administration chronique d’un régime riche en graisse induit une insulinorésistance systémique, tant hépatique que périphérique, une activation macrophagique du tissu adipeux et du muscle mais pas d’inflammation hépatique. La déplétion sélective des KC, dans cette expérience de régime riche en graisse durant 16 semaines, obtenue par deux injections intraveineuses de liposomes-clodronate au cours des dix derniers jours des 16 semaines, soit une fois que l’obésité, l’insulinorésistance et l’inflammation du tissu adipeux sont installés, n’améliore ni la stéatose, ni l’insulinosensibilité hépatique ou systémique, ni l’adiposité ou l’inflammation du tissu adipeux. Etant donné que l’initiation du régime riche en graisse était associée avec une activation (transitoire) des KC, nous avons testé l’impact d’une déplétion préventive et continue des KC, obtenue par injections hebdomadaires de liposomes-clodronate sur l’insulinosensibilité d’animaux sous régime chronique riche en graisse (4 semaines). De manière intéressante, ce traitement prévient le développement de l’obésité et de l’adiposité. Ceci est associé avec une réduction de l’activation des macrophages du tissu adipeux et une amélioration de la tolérance au glucose en comparaison avec des animaux contrôles. De façon similaire, un traitement par liposomes-clodronate de 4 semaines à des animaux sous régime normal améliore également leur tolérance au glucose, tout en diminuant l’activation des macrophages du tissu adipeux. En conclusion, nos données mettent en évidence un lien causal entre activation des KC lors de l’initiation du régime riche en graisse et insulinorésistance hépatique. Par ailleurs, en cas de régime chronique riche en graisse, la déplétion préventive et continue des KC, qui empêche leur activation initiale, réduit les conséquences métaboliques induites par le régime, à savoir obésité, adiposité, inflammation du tissu adipeux et insulinorésistance. Cependant, lorsque l’obésité, le diabète et l’inflammation du tissu adipeux sont installés, la déplétion sélective des KC n’améliore pas ces paramètres. La communication entre le foie et les tissus périphériques insulino-sensibles constitue une piste à explorer afin de progresser dans la compréhension des mécanismes de l’insulinorésistance, la production de médiateurs pro-inflammatoires venant du foie stéatosique et largués dans la circulation systémique vers les tissus périphériques pouvant en être responsable.


Référence bibliographique |
Lanthier, Nicolas. Insulinorésistance intra-hépatique : rôle des macrophages/cellules de Kupffer. Prom. : Leclercq, Isabelle ; Horsmans, Yves |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/133578 |