Durant, Isabelle
[UCL]
Il est enseigné que la réparation intégrale constitue un principe essentiel du droit de la responsabilité civile. Et il est admis que ce principe s’applique tant en matière contractuelle que délictuelle. La Cour de cassation notamment est attachée de longue date à cette règle, qu’elle rappelle du reste périodiquement. Elle ne fait du reste pas mystère de la portée qu’elle lui donne. Le principe implique ou a pour but de placer, de « replacer » ou de « rétablir » dit parfois la Cour, le « préjudicié dans l’état où il serait demeuré si l’acte dont il se plaint n’avait pas été commis » ou encore de placer le « créancier dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si le débiteur avait exécuté son obligation ». Telle qu’entendue par la Cour de cassation, l’idée de restauration induit le principe de la réparation in concreto. L’état hypothétique que l’on cherche à restaurer est, en effet, un état individualisé, à savoir celui de la victime. Dans ce contexte, l’appréciation in abstracto, forfaitaire, devrait donc, a priori, être écartée car elle ne coïnciderait pas avec la réparation de l’exact préjudice. Il n’en va cependant pas toujours ainsi.
Dès lors que la réparation, conçue comme un effacement du préjudice, n’est guère fréquemment possible, la réparation est, en réalité, souvent une compensation, une manière de tenir la victime indemne. Réparer, c’est rétablir un équilibre rompu par la survenance d’un dommage, c’est contrebalancer, tant que faire se peut, les effets négatifs causés par le fait générateur de responsabilité. Réparer, ce n’est pas effacer, c’est tenir indemne. En ce qu’il implique le « placement » de la victime dans une situation par définition hypothétique, le principe de la réparation intégrale ne fait en réalité que rappeler la fonction indemnitaire ou compensatoire de la responsabilité civile : le dommage est non seulement une condition de la responsabilité, mais ce doit également être la mesure de l’obligation de réparer qui en découle. Tout le dommage, mais rien que le dommage. Règle d’équivalence ou d’adéquation entre le dommage et sa réparation, le principe de la réparation intégrale vise à ce que l’entier dommage soit réparé.
Si les victimes étaient effectivement toujours tenues parfaitement indemnes de leurs dommages, la responsabilité civile remplirait à la perfection son rôle indemnitaire. Alors même que la victime est censée être totalement tenue indemne, il n’en va toutefois pas toujours ainsi. D’une part, certains dommages ne donnent pas lieu à compensation ; la réparation ne peut alors être intégrale en raison de la volonté du législateur ou des parties elles-mêmes. On peut parler de limites objectives au principe de la réparation intégrale (première partie de la contribution). D’autre part, il faut bien constater nombre de situations dans lesquelles, quoique le dommage soit, objectivement, intégralement réparé, la victime peut en douter, tant en raison des méthodes d’évaluation utilisées – notamment la technique de l’évaluation ex aequo et bono, qu’en raison du phénomène, non généralisé, d’abstraction du dommage. On peut alors parler des limites subjectives (ou ressenties) au principe de la réparation intégrale (deuxième partie de la contribution). Au terme de l’examen, il apparaît alors que la réparation intégrale n’est certainement pas un principe absolu ; il connaît nombre de limites qui en font, en réalité, un principe directeur de la réparation.
Bibliographic reference |
Durant, Isabelle. La réparation dite intégrale du dommage... Rapport belge. In: B. Dubuisson et P. Jourdain (dir.), Le dommage et sa réparation dans la responsabilité contractuelle et extracontratuelle. Etudes de droit comparé, Bruylant : Bruxelles 2015, p. 441-491 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/159411 |