Ndomba Kabeya, Elie-Léon
[UCL]
Notre thèse porte sur l'égalité des enfants en droit civil congolais. Ce droit tire ses origines des droits traditionnels autochtones et du droit colonial. En ce qui concerne le statut des enfants, les droits indigènes ne distinguaient pas ces derniers selon qu'ils étaient nés dans, hors mariage ou contre la loi du mariage. Ils considéraient l'enfant comme une aubaine ou une réincarnation de l'ancêtre de la lignée dans laquelle il est né. Chaque enfant était bien accueilli et trouvait une place dans sa famille selon son âge et son sexe. Néanmoins, la règle d'égalité entre les enfants se trouvait brisée en ce que les aînés étaient toujours privilégiés par rapport aux puînés et les garçons par rapport aux filles. Par le décret du 4 mai 1895 portant Code civil livre 1er, le législateur colonial avait introduit une nouvelle conception nucléaire de la famille fondée sur la protection du mariage monogamique. Les diverses catégories de filiation étaient évaluées selon que l'enfant était conçu dans le mariage, hors mariage ou contre la loi du mariage. A ces trois hypothèses correspondaient quatre qualifications des enfants : enfant légitime, enfant naturel simple, enfant adultérin et enfant incestueux. Plusieurs années après l'indépendance de la République démocratique du Congo intervenue en 1960, cette conception de la famille a continué à déterminer le statut juridique des enfants en tenant compte des conditions de leur naissance. En 1987, par la loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille, le nouveau législateur a adapté le droit à la conception congolaise de la famille en considérant l'évolution des moeurs et du temps. Ce Code est venu consacrer le principe d'égalité en innovant, de la terminologie au contenu même des normes. Il a affirmé l'égalité des droits et devoirs de tous les enfants dans leurs rapports avec leurs père et mère. Le législateur a, par cette nouvelle loi, consacré une option dite « politique fondamentale » selon laquelle « tout enfant congolais (zaïrois) doit avoir un père ». Nous avons limité notre recherche aux règles de l'établissement de la filiation et de ses effets patrimoniaux (les droits alimentaires et les droits successoraux). En effet, en matière de filiation, la nouvelle loi a cherché à réaliser trois objectifs : organiser l'égalité de tous les enfants ; permettre au plus grand nombre d'avoir deux parents et maintenir un droit traditionnel unifié, dans la mesure où il est compatible avec les deux objectifs précédents. Au-delà des efforts fournis par le législateur, les avancées sont certaines, mais les objectifs poursuivis ne sont pas totalement atteints. Certaines insuffisances persistent encore ; elles rendent l'effectivité du principe d'égalité relative et laisse courir certaines discriminations. C'est pourquoi, la question centrale que nous nous sommes posée est de savoir : « Pourquoi le principe d'égalité ou de non discrimination des enfants, adopté par le droit de la filiation et consacré par le droit des droits de l'homme (ou des droits de l'enfant), n'a-il pas un caractère absolu ? ». Ainsi posée, cette question nous a permis d'abord de vérifier s'il était possible d'éviter des exceptions à ce principe d'égalité des enfants en droit congolais, du moins en matière d'établissement de la filiation et de ses effets patrimoniaux. Ensuite, comme l'égalité ne peut être absolue, la question posée nous a offert la possibilité de rechercher et d'expliquer les causes du maintien de certaines différenciations d'une part, et d'arriver d'autre part, à proposer la suppression des différences de traitement entre enfants qui se sont avérées injustifiées par rapport à l'évolution du temps, des moeurs voire des mentalités. Notre exposé préconise la protection prioritaire des intérêts de l'enfant. En fait, nous avons soutenu que lorsque différents arguments ont été exposés et qu'il paraît impossible de trouver une solution acceptable pour tous, il faut trancher, il faut choisir. Mais, lequel des intérêts choisir ? Lorsque les intérêts des enfants adultérins et incestueux ou tout simplement nés hors mariage sont opposés à ceux de la famille et que l'on opte pour la protection des intérêts de la famille au détriment de ceux de l'enfant, nous avons estimé qu'il ne sied pas de faire porter à cet enfant le poids de la faute commise par ses parents, car on sait qu'aucun enfant n'a jamais choisi de naître à la suite d'une relation coupable, de nature incestueuse ou adultérine. Ce choix de lintérêt supérieur de lenfant comme critère prioritaire de solution nous a permis de proposer dune part, dextirper du droit congolais de filiation, les règles injustes et discriminatoires à légard de certains enfants, et dautres part, de conformer ce droit aux instruments internationaux de protection des droits de lhomme en général et de lenfant en particulier, que la République démocratique du Congo a régulièrement incorporés dans son droit interne. Nous avons, à cet effet, sondé et tenté de circonscrire les intentions premières du législateur, observé lévolution de la société et interrogé les pratiques sociales et judiciaires, sans oublier la doctrine, pour proposer des corrections et des solutions susceptibles de favoriser davantage légalité et la non-discrimination entre les enfants.


Bibliographic reference |
Ndomba Kabeya, Elie-Léon. De l'égalité des enfants en droit civil congolais. Prom. : Renchon, Jean-Louis |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/158045 |