Devenir l'auteur de son histoire : analyse de la "Recherche" de Proust à la lumière de la théorie de la médiation

La théorie de la médiation présente-t-elle un intérêt pour l’interprétation d’une œuvre littéraire ? C'est ce que ce mémoire se propose de prouver, par une analyse de "A la Recherche du Temps perdu" de Proust. Bien que les concepts proposés par Gagnepain soient assez difficiles à manier de prime abord, à cause de leur abondance et parfois de leur opacité apparente, leur articulation rigoureuse autour des notions centrales de dialectique, de plans, de faces et d’axes confère au modèle une très grande cohérence, en même temps qu’une portée heuristique certaine. En effet, de ce classement issu de l’expérimentation clinique résultent des distinctions et des relations conceptuelles insoupçonnées et inédites, garantes de l’originalité de toute démarche qui s’en inspire. Evidemment, dans le cadre d’une analyse esthétique de l’œuvre de Proust, il n’est pas question de projeter ces concepts, mais d’y voir un moyen privilégié d’orienter l’analyse et d’éclairer sous un jour nouveau des thématiques centrales présentes dans le roman, déjà abondamment exploitées en analyse littéraire. J’ai choisi de me focaliser avant tout sur "Combray", la première partie de "Du côté de chez Swann", parce que j’ai senti que s’y jouait, dans un cadre restreint propice à une exploitation plus approfondie, l’émergence de grands enjeux structuraux concernant l’œuvre à son niveau le plus global. J’en ai relevé trois, étroitement liés à la question de l’être et de la société (plan III dans la théorie de la médiation) : les dynamiques sociales dans lesquelles l’enfant Marcel est impliqué, son attitude fusionnelle par rapport à sa mère et plus largement à autrui, ainsi que sa méthode introspective fondée sur les processus de perception et d’impression.