Gilbert, Basile
[UCL]
Léonard, Evelyne
[UCL]
Au cours de ces dernières années, le métier de policier s’est retrouvé au cœur de nombreuses controverses. Parmi celles-ci, nous pouvons citer le scandale de la mort de Georges Floyd le 25 mai 2020, évènement ayant eu lieu outre-Atlantique mais ayant eu un impact mondial. Ou encore plus proche de nous, en France, l’affaire « Adama Traore » en 2016 ou l’affaire « Théo » en 2017, mais aussi les violences policières reportées face aux manifestants « gilets jaunes » à partir de 2018. Encore très récemment la France a été traversée par la polémique autour de la mort de Nahel, 17 ans, qui a divisé l’opinion publique autour du bien-fondé de l’action policière. Cette controverse a d’ailleurs déclenché des émeutes auxquelles la police a été mêlée. En effet une attention croissante a été portée aux phénomènes de violences policières et leur médiatisation importante a entrainé une vague d’indignation populaire. La Belgique et la police belge ont ressenti les effets de ces polémiques et ne sont pas en reste avec notamment l’accusation de violences policières à l’encontre d’une famille waterlootoise lors d’un contrôle Covid en décembre 2020. Mais également, à l’inverse, un mois plutôt, le 15 Novembre 2020, c’est la police qui subit des violences de la part de citoyens. En effet, une vidéo d’un contrôle Covid à Ixelles qui a dérapé circule sur les réseaux sociaux. Sur cette vidéo, on y voit des policiers pris à partie par un groupe, ils sont agressés et frappés de manière répétée (Smeets & Tange, 2021). Trois policiers ont été blessés et mis en incapacité de travail suite à cet incident. Un climat de tension semble émerger entre les citoyens et la police, avec de part et d’autres des violences dirigées envers le groupe opposé. Toujours en 2020, le syndicat policier SNPS (Syndicat national du personnel de police et de sécurité) dénonce une dégradation des relations entre la police et certaines populations, des violences subies par les policiers et une atmosphère de « police bashing » qui est un mouvement visant à discréditer et dénigrer systématiquement l’institution policière. Également selon ce syndicat, il y aurait un accroissement global de la violence dans notre société, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les interactions des citoyens. La police serait donc un « bouc émissaire » que l’on pointerait du doigt comme responsable (Smeets & Tange, 2021). Le syndicat SLFP Police confirme ce sentiment en affirmant que « le “citoyen lambda” développe lui aussi une agressivité de plus en plus marquée à l’encontre des policiers, dès lors qu’il pense que cette violence n’est pas sanctionnée » (SLFP Police, 2010, p.1). Il affirme également que les formes de violence envers les policiers sont de plus en plus extrêmes (SLFP Police, 2010). Ce même syndicat dénoncera, plus tard, la charge de travail des policiers entre la période des attentats en 2015, la période covid à partir de 2020 et actuellement un climat de « police bashing ». La situation serait compliquée, à la fois mentalement et physiquement (Smeets & Tange, 2021). On dégage comme point commun entre ces évènements une forte diffusion médiatique, à la télévision, ou sur les réseaux sociaux. Bien souvent cela induit une mobilisation citoyenne à travers des manifestations, dérapant parfois en émeutes, mais aussi des marches ou la création de collectifs, etc. On peut donc supposer que les médias et les réseaux sociaux peuvent avoir un rôle à jouer dans ce climat de tension. Ces incidents ont pour conséquence une remise en question de la fonction de policier par les citoyens. Certains policiers seraient décrits comme avides de violence et éprouvant une jouissance lors de l’usage de celle-ci, cette violence serait exacerbée par le laxisme et le laisser- faire de leurs supérieurs (Lordon, 2020). Dès lors, suite à de telles polémiques, ces doutes, ces accusations graves et cette mobilisation citoyenne à l’encontre des policiers, il me semble opportun d’en étudier les répercussions sur le métier de policier. En effet, le métier de policier est un métier atypique, aussi bien par les missions qui leur sont attribuées que par les horaires de travail. On peut donc supposer que le métier de policier, de par sa singularité et la vocation qui semble mouvoir les policiers, est une profession au sein de laquelle l’identification professionnelle est élevée. Le contexte de bashing policier dans lequel les policiers semblent devoir évoluer pourrait donc affecter leur identité professionnelle. Dans ce travail, nous allons donc voir si le bashing policier peut constituer une menace à l’identité professionnelle développée par les policier et dans l’affirmative, quelles sont les réactions des policiers face à cela. Ceci nous amène à notre question de recherche : Comment le bashing policier affecte-t-il l’identification au travail des policiers ? En premier lieu, pour clore cette introduction, quelques éléments de contexte propres à la police belge seront explicités. Le cadre théorique sera ensuite développé, à travers celui-ci la police et le travail policier seront détaillés afin de préciser ce qui caractérise ceux-ci. Ensuite, les éléments qui pourraient être constitutifs d’un contexte de bashing policier seront présentés, à savoir la police et les violences, le rôle des médias et des réseaux sociaux dans la perception de la police, la période Covid et l’utilisation des bodycams. Finalement, la partie théorique sera clôturée par la démonstration du rôle identitaire du travail et notamment l’explication des menaces identitaires qui peuvent toucher un individu qui s’identifie professionnellement ainsi que par le modèle d’analyse qui visera à expliquer la question de recherche qui dirige ce travail. La partie empirique de ce travail sera ensuite abordée avec l’explication de la méthodologie qui s’inscrit dans une démarche déductive au moyen d’une collecte de données qualitatives réalisée sur base d’entretiens semi-directifs. Onze entretiens ont été menés dans le cadre de ce travail, auprès de policiers belges, de grades, d’anciennetés et de fonctions variés, évoluant dans des Zones de Police du Brabant Wallon et de Bruxelles ainsi qu’un policier de la Police Fédérale. Les résultats seront par la suite mis en évidence dans le but de déterminer si le contexte de bashing policier est ressenti par les policiers interrogés et dans l’affirmative, comment est-ce qu’il se manifeste dans le cadre de leur travail. Finalement, l’analyse des résultats permettra quant à elle de déterminer quelles réactions les policiers adoptent-ils face à ce contexte de bashing policier qu’ils pourraient ressentir et permettre de répondre à notre question de recherche sur les effets de celui-ci sur l’identification professionnelle.


Bibliographic reference |
Gilbert, Basile. Comment le bashing policier affecte-t-il l'identification au travail des policiers? Les réactions face au bashing policier comme menace identitaire. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2023. Prom. : Léonard, Evelyne. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:42238 |