Taybi, Abdellah
[UCL]
Dock, Thierry
[UCL]
Le but de ce modeste travail est d’attirer l’attention sur les impacts de la discrimination à l’embauche des personnes d’origine étrangères. Ces impacts sont psychologiques, sociaux et économiques, ils touchent en premier les personnes discriminées mais également la société toute entière. La motivation à traiter ce sujet prend origine dans nos différentes expériences en tant que personne d’origine étrangère ainsi que le constat d’un taux de chômage important parmi les personnes d’origine immigrées en particulier dans la région bruxelloise malgré que cette dernière est une des régions les plus riches du pays et malgré une conjoncture économique très favorable et des offres d’emploi vacantes qui ne trouvent pas preneurs. Le cours de l’analyse des discriminations que nous avons suivi en deuxième année de ce master a été un déclic qui a augmenté cette motivation. Pour mener à bien ce travail, il a fallu commencer par explorer la littérature réalisée sur la discrimination à l’embauche des personnes étrangères et ses impacts. 1.Comprendre la discrimination : Comprendre la discrimination et ses origines a été la première étape pour mieux cerner le sujet et le traiter avec des arguments scientifiques. Ce chapitre nous apprend que la discrimination est liée aux stéréotypes et aux préjugés. En effet les recherches sur les préjugés au début du 20 ème siècle étaient basées sur des théories raciales américaines et européennes qui avaient pour but de démontrer que les personnes de race blanche étaient supérieures aux autres races (Grath, 1925, p.359). Ce qui ressort également de ce chapitre est que la discrimination a deux formes. La première forme de discrimination appelée « statistique » (Arrow, 1973) est non délibérée. Elle est issue en réalité dans « l’incomplétude d’information » dans laquelle se trouve l’employeur en cas d’embauche. Cette forme de discrimination est la plus répandue, l’employeur suppose qu’un candidat appartient à un groupe et en tire des jugements sur ce candidat sans confirmer que ces jugements sont fondés. En embauchant un candidat d’un groupe « standard » pour l’employeur, il pense être davantage rapide et efficace et pense qu’il aura ainsi réduit les risques et en tirer des bénéfices économiques (Baumle, A., Fossett, M. (2005). Elle consiste à engager des personnes qui sont semblables aux recruteurs et aux salariés (Edo et alii, 2013). À l’inverse l’autre forme appelée discrimination par « goût », fruit des travaux sur le capital humain de Becker (1971), est une volonté délibérée des acteurs (employés, RH, employeurs ou clients) de ne pas être en contact avec certaines minorités ethniques. La discrimination s’exerce de différentes manières, la première qui est intentionnelle et la plus violente est la discrimination directe. Elle se traduit par une volonté d’écarter une personne d’un poste, un logement, un avantage, un service uniquement dû à sa différence. La deuxième est appelée discrimination indirecte ou subtile, non intentionnelle. Elle provient de stéréotypes cultivés depuis un certain temps. La troisième forme est la discrimination masquée. Il s’agit d’un Traitement inégal, caché à dessein dans l’objectif de s’assurer de l’échec. Nous avons choisi un cadre théorique et nous nous sommes basés en partie sur la théorie dite de « l’assimilation segmentée » qui nous a semblée pertinente. En effet cette théorie vise à étudier l’accès aux biens sociaux des descendants d’immigrés comme un phénomène structuré historiquement et socialement et non strictement individuel et s’intéresse aux différents « modes d’incorporation » en vigueur dans la société d’immigration. En tant que schéma d’analyse, elle se compose généralement de trois parties. Parmi celles-ci nous nous sommes concentrés sur la partie qui a pour but l’identification des barrages sociaux, économiques auxquels se confrontent les enfants d’immigrés : racisme ; marché du travail segmenté et précarisé, activités déviantes, criminalisation. Selon les auteurs « l’assimilation » s’apparenterait davantage à un processus de segmentation des populations des immigrations (deuxième génération), dans lequel certains groupes sont avantagés et d’autres groupes sont défavorisés, qu’à un processus d’uniformisation et d’indifférenciation (Brinbaum, Y.et Primon, J-L. (2013)). Dans le contexte belge, nous avons constaté lors de nos entretiens qu’effectivement les personnes d’origine étrangères (hors Europe) subissent la discrimination dès leur scolarité, ce qui les handicapent par rapport à leurs concitoyens belges de souches ou européens à leur arrivée sur le marché du travail. Les personnes qui échappent à cette barrière et qui ont des qualifications universitaires ou supérieures, vont subir la discrimination à l’embauche lorsqu’il s’agit de postes de management ou de direction et ceci davantage dans les entreprises publiques. Les personnes interviewées nous ont pratiquement tous remonté avoir été victimes de discrimination lorsqu’elles ont postulé à des postes de chef de service ou de management. Pour la partie étudiant les impacts de la discrimination sur les personnes la subissant, nous avons trouvé dans la théorie « Les luttes pour la reconnaissance » de Axel Honneth » un bon cadre pour les traiter. La reconnaissance est définie comme suit par Axel Honneth, une attente de confirmation de capacités et de valeurs par Autrui. La reconnaissance se construit dans l’intersubjectivité (rapport à autrui) et permet un rapport positif à soi et à autrui. Par contre la non-reconnaissance engendre des blessures et une haine de soi et qui se transforme en haine de l’autre. Les relations sont, selon Honneth, symétriques en ce que chacun estime l’autre pour les capacités et qualités qu’il possède, et qui font de lui quelqu’un de valeur pour la société. La solidarité consiste alors dans cette estime réciproque des capacités et qualités de chacun et qui leur permet de contribuer à la société. À travers la lecture de la littérature, cette hypothèse semble se confirmer. En effet si on considère en partant des écrits de Axel Honneth que le travail a un impact sur la reconnaissance et in fine sur l’estime de soi, nous pouvons soupçonner que la discrimination à l’embauche a des répercussions sur l’estime de soi des individus qui font l’objet de discrimination et de leur motivation. Notre recherche empirique nous confirme que la reconnaissance est importante et a un impact positif sur l’individu. A l’inverse la non-reconnaissance qui est traduite par la discrimination a un impact négatif et désastreux sur les individus discriminés. L’analyse de notre matériau empirique nous a permis à travers les entretiens qualitatifs de confirmer la présence de discrimination à l’embauche dans la région bruxelloise à l’encontre des personnes d’origine étrangère. C’est dans les entreprises publiques que la discrimination semble la plus répandue, les entreprises privées n’échappent pas à la règle mais avec une nette amélioration par rapport à leurs pendantes publiques. Ces discriminations ont un impact sur les individus discriminés en termes psychologique, social et économique. Les personnes discriminées vivent cette discrimination comme une épreuve violente et agressive, et pour certains cela provoque du stress et perte de confiance en soi. Il y a également une forme de désespoir et de perte de motivation. Pour d’autres, malgré l’expérience violente, c’est une forme de résilience qui prend le dessus et qui leur permet soit d’augmenter leur chance de trouver un job équivalent à leurs compétences et qualifications ou bien se tourner vers l’entreprenariat. L’aspect psychologique n’est pas le seul impact, la discrimination a des répercussions également sur la vie sociale et économique sur les individus discriminés mais pas uniquement puisqu’elle a des effets sur le vivre ensemble et sur l’ensemble de la société. L’État est aussi impacté économiquement, car la discrimination ne permet pas un retour sur investissement des dépenses réalisées dans l’éducation des jeunes. Autre impact, c’est le manque à gagner en termes de rentrées financières. En effet au lieu d’avoir des individus qui travaillent et participent à financer la sécurité sociale, ce sont des individus qui dépendent des allocations sociales. La discrimination démotive les personnes d’origine étrangère et les pousse pour certains à partir dans des régions du monde où seules les compétences sont prises en comptes (les pays anglo-saxons par exemple ou les pays du Golfe), c’est ce qu’on appelle la fuite des cerveaux. Nos modestes pistes de solutions préconisent, une évaluation des politiques menées jusqu’ici pour lutter contre la discrimination et la mise en place d’une vraie politique d’inclusion en mettant des lois plus sévères contre les entreprises qui continuent à discriminer, mais également des incitants aux entreprises qui diversifient leur personnel. Nous conseillons aux entreprises de mettre en place un programme de management de la diversité pour prévenir et éviter tout conflit interculturel au sein de l’entreprise à l’instar de ce qui se fait dans certaines entreprises multinationales « exemple de l’entreprise où travaille Annabelle .


Bibliographic reference |
Taybi, Abdellah. Les impacts de la discrimination à l'embauche des personnes d'origine étrangère à Bruxelles. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2023. Prom. : Dock, Thierry. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:41037 |