« Décider en toute objectivité au sein d’une organisation bureaucratique comme le CPAS : une réalité ? » Le cas de l’octroi des aides sociales au sein de petits et grands CPAS.

L'organisation du travail au sein des CPAS se réfère encore aujourd’hui essentiellement au modèle de la bureaucratie de « services publics ». Les CPAS sont donc censés prendre de la hauteur par rapport à leurs usagers, se conformer à des règles et principes généraux, développer une organisation scientifique du travail et se baser sur un langage technique en vue d’adopter des décisions objectives, impartiales, dénuées de toute dimension affective ou personnelle. Avec l’émergence plus récente de la nouvelle gestion publique (New Public Management), une préoccupation complémentaire s’ajoute : celle de la performance (efficacité, efficience, économie) des décisions et des actions qu’il convient d’évaluer en se référant à leurs coûts et leurs résultats. A cette fin, les CPAS peuvent mettre en place des procédures décisionnelles, d’inspection et de contrôle interne ou encore prévoir des évaluations régulières. Tant le modèle de la bureaucratie de services publics que celui du New Public Management mettent l’accent sur l’objectivation des décisions. La place de la subjectivité y est donc limitée, du moins en théorie. Car la taille d’un CPAS ou encore sa localisation dans une petite ou une grande commune peut avoir des effets sur le niveau de spécialisation des tâches et fonctions des agents, sur le nombre de niveaux hiérarchiques au sein de l’organisation, sur le nombre de personnes impliquées dans les processus décisionnelles ou encore sur la quantité et la qualité des relations interpersonnelles susceptibles de se tisser en dehors du travail, entre agents et habitants. C’est dans ce contexte que nous nous posons plusieurs questions : en quoi la taille d’un CPAS affecte son organisation interne ? Et en quoi cette dernière peut favoriser ou pas l’émergence d’une subjectivité dans la relation entre le travailleur social et l’usager ? Enfin, en quoi cette subjectivité peut-elle impacter la décision finale du CPAS, à savoir l’octroi ou le refus de l’aide sociale. Deux CPAS seront ciblés : Le CPAS de Rumes, village et le CPAS de Tournai, ville. Ces problématiques m’amènent à me poser cette question centrale dans ma recherche : « Dans quelle mesure, les décisions relatives aux usagers d’un CPAS peuvent-elles être affectées par la subjectivité des travailleurs sociaux ? ». En corolaire, notre mémoire cherche à comprendre pourquoi cette subjectivité est parfois plus présente et si elle peut être influencée par la taille du CPAS et le poids de certaines approches administratives dans la culture organisationnelle. Subjectivité, taille de l’organisation et culture organisationnelle/approches administratives constituent en effet trois variables qu’il convient d’étudier afin de voir s’il existe certaines relations entre elles. Pour pouvoir y répondre, j’exposerai dans un premier temps les différentes approches de l’administration publique et je les mettrai en lien avec le fonctionnement des CPAS. J’essayerai ensuite, de répondre à ma question de recherche en définissant notamment la notion de subjectivité selon l’approche interactionniste. En effet, il est évident que selon le type d’approche administrative en place dans une institution publique, des conséquences en découleront dans l’organisation même de l’institution ; et en cascade, auront des effets sur la relation de base entre le travailleur social et l’usager. La notion de culture organisationnelle est également mobilisée pour mieux définir mes hypothèses et mesurer le degré d’appropriation de chaque approche administrative par le personnel, notamment sur le plan des valeurs partagées et des pratiques observables. Pour évaluer la validité des hypothèses avancées face à cette problématique, je m’appuierai sur des données provenant de plusieurs interviews réalisés au sein des CPAS de Rumes, commune de 5 238 habitants et Tournai, commune de 147 634 habitants