Impact des flavanoïdes sur la stabilité des bières dry hoppées

Qu'apporte le houblon en termes de flavanoïdes lors d'une production de bière dry hoppée ? Quelle est l'implication des produits d'oxydation des flavan-3-ols au sujet des instabilités colloïdale et de la couleur au cours du vieillissement de bières dry hoppées ? Ces questions sont au cœur de la problématique étudiée dans ce mémoire : optimiser l'aspect visuel (couleur et limpidité) de la bière au cours du stockage. L'état de l'art sur les polyphénols, plus particulièrement sur les procyanidines, influençant à la fois le trouble (complexes avec les protéines), l'astringence et la coloration (phénomènes d'oxydation), a permis de cibler et d'adapter les procédures expérimentales utilisées lors de cette étude. Dans ce travail, les flavan-3-ols (et leurs produits d'oxydation) ont été investigués tout au long d'une production de bière dry hoppée ainsi que dans trois bières dry hoppées commerciales fraîches, après 6 mois et deux ans de vieillissement à 20°C dans l'obscurité. La méthode d'analyse adoptée s'est basée sur une extraction sélective des monomères, dimères et trimères de flavan-3-ols par Sephadex LH-20 suivie d'analyses en NP-et RP-HPLC-ESI(-)-MS/MS. Des analyses de base, telles que les polyphénols totaux, les flavanoïdes totaux, la couleur et le trouble ont été également réalisées. Par le suivi de notre production pilote en microbrasserie, nous avons montré que le dry hopping (houblon Polaris) augmente considérablement les concentrations en flavan-3-ols avec des taux de transfert apparents pour l'épicatéchine et la procyanidine B1 supérieurs à 100%, ce qui laisse présager des phénomènes de dépolymérisation et d'épimérisation (réduction de la procyanidine B3) au pH de la bière. Par ailleurs, l'analyse des flavan-3-ols de bières dry hoppées commerciales a montré combien le process pouvait influencer la stabilité du produit. Les monomères de flavan-3-ols sont restés stables dans la Duvel Tripel Hop 2 Citra durant deux ans alors que leurs teneurs se sont accentués dans la Taras Boulba Extra Hoppy Ale et ont été réduites dans la Vedett Extra Ordinary IPA. La Taras Boulba Extra Hoppy Ale était la seule bière à encore présenter des trimères après deux ans de vieillissement. Plusieurs procyanidines de type A (m/z : 575 et 863, molécules pro trouble issues de l'oxydation de dimères et trimères) et une déhydrodicatéchine de type A (également m/z : 575, molécule colorée issue de l'oxydation de la catéchine) ont été détectées après vieillissement, tant dans la production pilote que dans les trois bières dry hoppées belges commerciales. Ainsi, la Duvel Tripel Hop 2 Citra voit sa couleur augmenter de 5°EBC en deux ans, notamment par la présence de cette déhydrodicatéchine A tandis que la Taras Boulba Extra Hoppy Ale voit son trouble croître de 24°EBC suite à l'oxydation d'oligomères tels que B2 en A2.