Comprendre le (cyber) harcèlement scolaire: une approche sociologique

Le harcèlement scolaire est un phénomène dont nous entendons de plus en plus parler et qui est investigué par de plus en plus de chercheurs. La majorité des recherches effectuées abordent ce phénomène d’un point de vue psychologique, ce qui accorde trop d’importance et de pouvoir à l’individu. Nous avons dès lors décidé d’adopter une perspective sociologique. Nous avons pris nos distances par rapport à la catégorie de « harcèlement » et nous avons développé une approche compréhensive en interrogeant des jeunes afin de récolter leur point de vue et de comprendre la manière dont ils se représentent et interprètent le monde adolescent. Notre objectif était notamment de comprendre les rôles joués par l’école et les nouvelles technologies dans leurs relations. Nos questions de recherche étaient les suivantes : - Quel est le rôle joué par l’école dans la construction identitaire et la socialisation des adolescents ? - En quoi l’école peut-elle être une aide, ou au contraire un frein, pour les adolescents victimes d’humiliations et de moqueries ? - Quel est le rôle joué par les nouveaux moyens de communication dans la construction identitaire et la socialisation des adolescents ? - Quelles pratiques sont acceptées ou non sur les réseaux sociaux, et à partir de quand certaines pratiques sont-elles considérées comme problématiques ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons réalisés des entretiens individuels et collectifs (recherche qualitative). Il ressort de ces entretiens que les jeunes doivent se conformer à un ensemble de normes comportementales qui sont implicites et qui varient en fonction du genre. De plus, nous avons pu constater que la ligne est assez floue entre les comportements qui sont valorisés chez les jeunes et ceux qui sont proscrits. Il semblerait dès lors que les adolescents qui n’intègrent pas bien ces normes comportementales risquent d’être critiqués par les autres. En outre, la manière de percevoir une remarque ou un comportement va être primordiale et elle peut aggraver la situation ou y mettre un terme. Certaines caractéristiques de l’école (la capacité d’intervention, l’application du règlement et la conformité des comportements attendus) et certaines caractéristiques des nouvelles technologies (l’anonymat, l’amplification et le manque de contrôle) peuvent faciliter ou atténuer des situations problématiques. Les résultats de ce travail ont donc des implications pour la pratique éducative. Ce travail pourrait être prolongé et amélioré notamment en élargissant l’échantillon de jeunes interrogés (adolescents d’autres villes, jeunes ayant vécus des situations plus tragiques) mais aussi en nous intéressant au point de vue des parents et des membres de l’équipe éducative. Une recherche combinant une approche quantitative et qualitative pourrait également être menée afin de voir quelles modifications dans la pratique éducative influencent les adolescents dans leur façon de se comporter entre eux.