Philippette, Thibault
[UCL]
Préat, Charlotte
[UCL]
Le jeu chez l’enfant est vu comme une activité fondamentale pour son développement (Bruner, 1983 ; Château, 1954 ; Piaget, 1978 ; Piaget & Inhelder, 1966 ; Vygotsky, 1967). Cependant, les théoriciens classiques du jeu qui se sont intéressés aux pratiques ludiques en société (Caillois, 1992/1958 ; Huizinga, 2008/1938), et par là aux formes « adultes » des pratiques de jeu, montrent davantage de relativisme par rapport à leurs effets éducatifs. Ainsi, Caillois souligne que le jeu n’a pas en soi comme objectif de développer une capacité et que s’il le fait, ce n’est que de surcroit (Caillois, 1992/1958, p. 322). L’objectif du jeu étant le jeu lui-même (Ibid.). Ce caractère improductif du jeu a été notamment discuté par le philosophe Henriot, soulignant que le jeu a néanmoins comme effet de construire la joueuse ou le joueur (Henriot, 1969, p. 63). Et le jeu prenant modèle sur la vie, et inversement, se pose alors la question de ce que cette simulation permet comme retour(s) de sens (Henriot, 1989, p. 61). Dès les années 80, les jeux informatiques (appellation assez usitée à l’époque) ont suscité un intérêt pour certains de leurs effets cognitifs, en termes de capacités visio-haptiques mais également sur la sociabilité (Greenfield, 1994 ; Greenfield, 1984 ; Perriault, 1994). Cet apprentissage par l’action (Virole, 2003), de nature fondamentalement opératoire (Charlier, 2000), ouvre sur de multiples potentialités (Le Diberder, 1998). Néanmoins, des controverses dans les années 90 autour du caractère violent de certaines productions vidéoludiques (Death Race, Doom, GTA, Carmageddon ou encore Mortal Kombat) ont éclipsé quelque peu les travaux de recherche émergents sur cette question dans le domaine, exhumés à l’occasion de certaines méta-recherches plus récentes (Egenfeldt-Nielsen, 2006 ; Steinkuehler & Squire, 2014). La pratique de jeux vidéo étant à l’époque vue dans les discours médiatiques communs comme régressive, seuls les « logiciels ludo-éducatifs » (Adibou, Lapin Malin ou encore Rayman Junior) étaient valorisés, ceux-ci inscrivant la forme scolaire au cœur de leur gameplay (Berry, 2011). Finalement, il faut attendre le début des années 2000 pour voir un regain d’intérêt pour le potentiel éducatif des jeux vidéo (Frété, 2002), grâce notamment à l’émergence de jeux utilitaires ou serious games (Alvarez & Djaouti, 2012 ; Lavigne, 2016), mais également de pratiques vidéoludiques et le développement de communautés (Berry, 2012). Afin de proposer quelques clés d’entrée à des théories portant sur le rapport entre jeux vidéo et apprentissage(s), nous partirons de l’ouvrage de référence « Jouer/Apprendre » de Gilles Brougère (2005). L’auteur relève en effet qu’il existe, dans les discours sur le jeu (il ne parle pas spécifiquement des jeux vidéo), au moins trois perspectives différentes : celles du 1) jeu (vidéo) pris comme vecteur d’apprentissage, du 2) jeu (vidéo) comme contexte d’apprentissage et du 3) jeu (vidéo) comme condition favorable aux apprentissages (Brougère, 2005, p. 75).


Bibliographic reference |
Philippette, Thibault ; Préat, Charlotte. Jeux vidéo et apprentissage(s). In: Sébastien Genvo et Thibault Philippette (coord.), Introduction aux Théories des Jeux Vidéo, Presses Universitaires de Liège : Liège 2023, p.462 p. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/271374 |