Identité(s), identification, habitus: une approche sociologique, historique et politique

L’identité est une notion polysémique, politiquement saturée et éminemment polémique. Elle demeure cependant difficile à remplacer. Comme le rappelle Charles Tilly, à lui seul le terme évoque des questions existentielles, pour tout individu, pour tout groupe : « Qui suis-je ? », « Qui sommes-nous ? », « Qui sont-ils ? ». Via la notion d’habitus et l’étude des processus d’identification, la sociologie historique d’Elias révèle le caractère fondamentalement relationnel et évolutif des phénomènes auxquels renvoient ces questions et évite le piège de l’essentialisme. Mais l’approche d’Elias évite aussi celui du constructivisme qui consisterait à voir des identités partout ou à ne pas les voir. Visant à concilier des perspectives macro et microsociologiques, la sociologie des configurations et des processus s’intéresse aux transformations des structures politiques et psychiques dans la longue durée. Elle met au cœur de l’analyse les relations d’interdépendance et les différentiels de pouvoir entre les groupes sociaux et accorde une attention particulière aux affects, surtout quand l’identification aux entités politiques est en jeu. La lecture d’Elias permet ainsi de mieux comprendre les ressorts des sentiments d’appartenance, en particulier dans le cas des États-nations, où la démocratisation joue un rôle-clé. Elle pointe aussi la ténacité des habitus nationaux et la dimension affective des résistances contemporaines à une intégration postnationale, notamment au niveau européen. Elle entre ce faisant en résonance avec les travaux marqués par le tournant sociologique des études européennes et des débats majeurs de théorie politique.