La transformation du patrimoine de l'habitation du XXe siècle

Dans cette communication, nous proposons d’interroger les spécificités d’une pédagogie de projet appliquée à la transformation du patrimoine de l’habitation du XXe siècle. En quoi les caractéristiques de ce patrimoine nécessitent-elles en même temps de redéfinir les outils de son approche conceptuelle ? Parmi les spécificités de l’habitat du XXe siècle (et notamment de la seconde moitié du XXe siècle), on retient la recherche d’une rationalisation de la construction par la mise en place de systèmes constructifs et de matériaux innovants (parfois préfabriqués), l’élaboration en même tant que l’accès à un standard de confort encourageant la définition et la répétition de plans types, l’attention donnée à l’implantation et à l’orientation des bâtiments dans des ensembles ouverts, recevant un ensoleillement maximal et régis par un système de desserte autonome. Dans les ensembles et grands ensembles de logement, il faut aussi noter le déploiement de l’habitat dans une diversité d’échelles : le logement, les communs intérieurs, les espaces collectifs ouverts (stationnements, placettes, dalles commerciales), le grand ensemble avec ses aménagements paysagers et ses équipements. La connaissance de ces spécificités et pour certaines, de leur obsolescence, est incontournable pour pouvoir aborder le projet de transformation de ce patrimoine (actualisation de la notion de confort, renouvellement des matériaux, équilibre énergétique). Au delà de ces spécificités, l’habitat du XXe siècle est également caractérisé par le caractère sériel des logements qui s’est enrichit au fil du temps des appropriations et des transformations successives effectuées par des habitants co-propriétaires et/ou des bailleurs sociaux. Travailler à la transformation d’un patrimoine habité, dans l’enseignement comme dans la pratique, implique donc de considérer une multiplicité de modes d’habiter et de se placer dans la continuité d’un renouvellement permanent, allant bien au delà de la présente projection. Dans cette approche, l’habitant devient expert par sa pratique personnelle de l’espace habité. Ses appropriations sont révélatrices des lieux et des dispositifs de l’évolution possible. Une particularité dont peut (doit) s’enrichir l’enseignement du projet en prenant appui sur des outils de relevés ethno-architecturaux (relevé habité, entretiens semi-directifs) et en redéfinissant les attendus en terme projectuels (pluralité de scenarii ouverts, carnet des possibles). Fort de ces connaissances et dynamisé par la dimension humaine des échanges avec les usagers, l’étudiant peut alors engager des projets en appui sur des pratiques vérifiées, et développer une réflexion sur la valeur patrimoniale de ces édifices, mettant en discussion le ressenti habité. Cet exercice pour la transformation patrimoniale et durable devient ainsi support d’échanges. L’action pédagogique peut alors entrer dans la démonstration des possibles, entraînant l’usager dans une appréciation renouvelée de son patrimoine. C’est cette démarche que nous proposons de présenter, à partir de 4 années d’expérimentation au sein du master « Patrimoine(s) en projet » de l’ENSA Toulouse, en lien avec le projet de recherche « Toulouse, du grand ensemble à la ville durable » . Les étudiants ont travaillé, en atelier de projet et en séminaire, sur la transformation de trois ensembles d’habitations toulousains, Empalot (politique de la ville ANRU), Belle Paule (copropriété suivie par l’observatoire des copropriétés de l’AUAT) et Ancely (copropriété, labellisée ACR en 2019, site support pour le programme PUCA REHA 3). Pour chacun de ses terrains, des partenariats entre l’ENSA et les acteurs de terrain (métropole, bailleurs, copropériétés...) ont été créés. La richesse des intéractions et des supports pédagogiques mobilisés (site, manifestations grand public comme les Journées nationales de l’architecture, publications...) nous ouvrent des pistes pour une nouvelle manière de pratiquer le projet, plus collaborative et inclusive où étudiants, enseignants et acteurs de terrain apprennent les uns des autres et construisent ensemble le devenir des quartiers.