de Clippele, Marie-Sophie
[USL-B]
La réforme du livre 3 « Les biens » du nouveau Code civil belge, entré en vigueur le 1er septembre 2021, serait imprégnée d’une logique de durabilité, ouvrant çà et là des brèches de commons dans le Code, malgré l’absence d’insertion en tant que telle de cette notion. Ainsi, la modification – légère – de la définition du droit de propriété à l’article 3.50 ou l’insertion du droit de passage à l’article 3.67, § 2 témoignent du souci d’accepter, certes de manière prudente, des formes de partage et d’inclusion en droit des biens. Les choses communes, quant à elles, en constituent l’exemple le plus abouti. L’article 714 de l’ancien Code civil belge, tout aussi connu en droit français, vient d’être remplacé par l’article 3.43, formulé ainsi : « Les choses communes ne peuvent être appropriées dans leur globalité. Elles n’appartiennent à personne et sont utilisées dans l’intérêt général, y compris celui des générations futures. Leur usage est commun à tous et est réglé par des lois particulières » Cette reformulation, ajoutant l’usage dans l’intérêt de tous, en ce compris des générations futures, au traditionnel usage commun à tous, impliquerait une extension prudente du champ d’application des choses communes, sans pour autant consacrer les biens communs, voire les commons. Elle reflèterait au demeurant une attention plus marquée du législateur au climat et à l’écologie, qui précise dans son exposé des motifs de la réforme vouloir étendre les choses communes entre autres aux semences et aux connaissances (bien immatériel) des sols. Le statut ambivalent des choses communes, inappropriables dans leur globalité, mais appropriables prises isolément, demeure, même si une approche normative semble davantage affirmée. Enfin, le régime juridique des choses communes est toujours arrimé autour de la notion d’usage, mais qui se dédouble : à côté de l’usage commun à tous, apparaît dorénavant l’usage dans l’intérêt général. Le législateur aurait voulu que l’intérêt général infuse l’usage qui doit être fait des choses communes, précisant même qu’il s’agit d’un intérêt général trans-individuel, voire trans-générationnel dans la mesure où cet intérêt englobe celui des générations futures. Selon nous, cet ajout signifie également que l’usage des choses communes doit avant tout être fait dans l’intérêt général et ensuite dans l’intérêt de tous, c’est-à-dire des membres de la communauté d’usagers des choses communes, introduisant une forme de primauté dans la mise en balance des intérêts De la notion d’usage découlent des droits et des devoirs, dont la nature et l’ampleur demeurent difficiles à caractériser. Aussi, la notion des « droits subjectifs inclusifs » d’usage et de jouissance des choses communes, analysés notamment par Johan Van de Voorde, nous apparaît particulièrement féconde pour réfléchir à l’agir en justice, à la lumière de certains arrêts récents. Toutefois, force est de constater que les conditions d’accès pour faire valoir des droits découlant de l’article 3.43 du nouveau Code civil demeurent (trop) strictes, notamment en raison du fait que l’usage des choses communes ne peut être prohibé, mais doit plutôt être régulé, de sorte qu’il y ait un usage suffisant pour tous et que des abus soient évités. Le contrôle du juge n’en est que plus nuancé et complexe. Malgré le risque que l’article 3.43 du nouveau Code civil demeure dans la marge de la jurisprudence, le législateur a néanmoins souhaité donner un nouveau souffle aux choses communes, prenant ainsi en compte la montée en force du souci des (biens) communs. De manière plus large, la réforme du Code civil indique que le législateur apparaît sensible à sortir du dogme de l’appropriation et de la maitrise exclusive pour accueillir une forme d’inclusion, dans une logique de durabilité.


Bibliographic reference |
de Clippele, Marie-Sophie. Les choses communes dans le nouveau Code civil belge imprégnées d’une logique de durabilité.Le(s) commun(s) en droit de l’environnement : droit des communs, droit commun et droit hors du commun (Bordeaux, du 27/10/2021 au 29/10/2021). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.3/253024 |