La production du « handicap » au sein de la Vierge Noire

Cette communication se base sur une ethnographie des services de la « Vierge Noire », ou Direction Générale des Personnes Handicapées (DG HAN), administration fédérale belge chargée d’évaluer l’autonomie et de reconnaître le handicap en vue d’allouer des allocations sociales spécifiques. Elle propose d'analyser la production de la catégorie « handicap » et de ses frontières dans un contexte en pleine mutation. L’augmentation et la diversification des demandes de reconnaissance ces dernières années, le passage d’un modèle médical à un modèle social sous l’impulsion de la Convention relative aux droits des Personnes handicapées, et les évolutions des référentiels scientifiques, transforment les usages de cette catégorie, conduisant à explorer les pratiques de la Vierge Noire et ses évolutions. Cette recherche doctorale est menée au sein du programme de recherche concertée interdisciplinaire « AutonomiCap, L’autonomie à l’épreuve du handicap, le handicap à l’épreuve de l’autonomie » (https://autonomicap-usaintlouis.org ). Au carrefour d’une socio anthropologie des institutions publiques, des professions et d’une socio-anthropologie pragmatique, il s’agira ici de présenter les premiers résultats d’une ethnographie d’une année en immersion utilisant les méthodes de l’observation et des entretiens, à partir des deux problématiques suivantes : Quelles sont les visions du handicap et de la personne handicapée sous-jacentes à l’évaluation et à la reconnaissance administrative du handicap ? En quoi l’évaluation (des déficits) de l’autonomie est-elle indicatrice et productrice d’une conception de la normalité et de l’a-normalité? Pour y répondre, cette présentation s’appuiera sur l’analyse d’un matériau concret : l’évaluation des dossiers de demande de reconnaissance pour l’obtention d’une Allocation d’Intégration. Elle montrera notamment comment les agent.es de l’action publique produisent une décision à partir d’une multiplicité d’instruments (grilles d’évaluation, recommandations internes…), comment ils se les approprient et les mobilisent en fonction de leurs intérêts et de leurs valeurs (de Coninck et al., 2005), mais aussi comment les instruments deviennent des pilotes invisibles de l’action publique au détriment de la marge de manœuvre des acteurs (Lascoumes& le Galès, 2005, Lorrain). Un intérêt particulier sera porté à la dimension cognitive des instruments et à leurs effets. En effet si les instruments de l’action publique ne sont pas neutres et sont « porteurs de valeurs, nourris d’une interprétation du social et de conceptions précises du mode de régulation envisagé. » (Lascoumes& Le Galès, 2005 : 13) ils induisent une problématisation particulière d’une question sociale voire un système explicatif (Op. cit.). Ainsi nous nous demanderons en quoi les instruments et pratiques de ce processus d'évaluation peuvent être marqués par des logiques validistes (Campbell, 2001) et avec quelles implications.