La justice coutumière d’État sans tribunaux coutumiers. Vers une modernité insécurisée dans la résolution des conflits fonciers coutumiers dans l’Est de la RDC ?

En partant de l’option de l’abolition définitive des juridictions coutumières en République Démocratique du Congo à la suite de la réforme judiciaire de 2013 ; le présent chapitre fait une relecture aussi bien théorique qu’empirique en contre-courant des discours dominants autour de la « modernité » ayant systématiquement justifié la marginalité de la justice coutumière. Le chapitre rappelle à cet effet les avantages portés par l’ordre juridictionnel coutumier contrairement à ce qu’on pense a priori dans les discours dominants de la réforme judiciaire en Afrique en général et en RD Congo en particulier. Face à l’abolition des juridictions coutumières opérée par la réforme de 2013 en RD Congo ; l’analyse des résistances coutumières et sociales observées sur le terrain conduit à l’existence des impasses, des dissonances et des contradictions structurelles en cours d’autant plus que l’autorité des chefs coutumiers reste inéluctablement liée au pouvoir juridictionnel notamment sur la terre. Le chapitre démontre que la réforme de 2013 a exacerbé les schèmes d’une modernité insécurisée en RDC en conduisant notamment à une désintégration fatale du lien social et en transformant les invariants anthropologiques en cause de résistance parfois violente face à la confusion entretenue entre modernisation et occidentalisation de l’ordre judiciaire local. Repenser l’Etat congolais en particulier et l’Etat en Afrique en général doit inclure forcément le domaine judiciaire souvent non questionné sur le modèle d’Etat. Il s’agit comme le suggère la recherche de réhabiliter les juridictions coutumières qui demeurent des invariants anthropologiques autour des repères sociaux certes appelés à se moderniser en s’actualisant par une inspection d’Etat et non pas en opérant une brutale abolition moins encore une subalternité caricaturale des juges coutumiers vis-à-vis des juges dits de paix. Les résistances croissantes sur le terrain foncier dans l’Est de la RD Congo traduisent la volonté pour les chefs locaux et pour leurs populations de ne pas céder à l’aliénation de l’Etat et à sa violence socioculturelle.