Mutaku Fwala, Jean
[UCL]
Désirant étudier le mécanisme de la toxicité de l’iode lors de son administration en situations de carence, nous avons testé l’effet d’antioxydants. Nous avons étudié les effets des vitamines E et C et du β-carotène, en cocktail ou séparément, sur le développement du goitre chez le rat et ceux d’une carence en vitamine E sur la toxicité thyroïdienne de l’iode chez le même animal. Nous avons aussi adapté le système de culture de cellules bicaméral aux cellules thyroïdiennes humaines et étudié la toxicité de l’iode sur ces cellules.
Pris dans leur ensemble, nos résultats montrent clairement le pouvoir antigoitrigène de la vitamine E chez le rat en carence iodée. Ils renforcent l’hypothèse de l’implication des radicaux libres dans la genèse de la toxicité de l’iode sur les thyrocytes, aussi bien in vivo chez le rat que in vitro chez l’homme. Ils montrent l’absence d’interférence d’une supplémentation ou d’une carence vitaminique (antioxydants « chain breaking ») sur le métabolisme thyroïdien de l’iode, tout en ayant des effets sur la taille de la glande.
Notre première partie a porté sur l’effet de l’administration du cocktail vitaminique (vitamine E, vitamine C et β-carotène) sur le développement du goitre chez le rat. Le ralentissement de la goitrogenèse est attesté par une diminution du poids des thyroïdes, de la quantité totale d’ADN et de protéines. L’incorporation de la thymidine tritiée est réduite dans les cellules folliculaires mais pas dans les cellules endothéliales. De plus, les taux plasmatiques de TSH, T3 et T4, les concentration d’ADN et des protéines totales, la quantité et la concentration intra glandulaires de l’iode et les volumes relatifs de différents compartiments glandulaires ne sont pas modifiés. Le cocktail vitaminique réduit donc la taille du goitre en inhibant spécifiquement le prolifération des cellules folliculaires sans interférer avec le métabolisme iodé. Cet effet est dû à la seule vitamine E et aucun effet additif des autres vitamines n’est observé.
Au cours de ce travail, nous avons mesuré pour la première fois la concentration en vitamine E dans la thyroïde et suivi son évolution lors du goitre. La concentration en vitamine E de la thyroïde avoisine celle du foie et est supérieure à celle du plasma. Elle augmente lors du goitre alors que celle du foie diminue. Après administration de fortes doses, l’accumulation hépatique est moindre que celle dans la thyroïde normale et, la thyroïde goitreuse concentre plus de vitamine E qu’une thyroïde normale.
Dans cette première partie du travail, nous avons observé une augmentation de la nécrose des cellules folliclaires au cours du développement du goitre par carence iodée. Cette nécrose n’est pas diminuée par les vitamines testées.
La seconde partir portait sur la carence en vitamine E. Dans cette situation, une augmentation importante de la nécrose est observée au cours du développement du goitre. Elle est encore plus importante lors de l’involution du goitre induite par une forte dose d’iode, et est prévenue par un inhibiteur de l’organification de l’iode, le méthimazole. Cette toxicité de l’iode est confirmée par les images morphologiques et par la concentration intraglandulaire de malondialdéhyde, marqueur de la peroxydation lipidique. Cet effet de la vitamine E n’est pas lié à une variation des taux plasmatiques de TSH, de T3 et de T4, ni à celle des concentrations d’ADN, des protéines totale, de la quantité et de la concentration intraglandulaire de l’iode et des volumes relatifs de différents compartiments glandulaires. La carence en vitamine E réduit le développement du goitre en parallèle avec la réduction du poids corporel des rats.
La troisième partie a permis de reproduire la toxicité de l’iode in vitro dans un système de culture de cellules thyroïdiennes polarisées. Ce système de culture permet d’étudier les variations de la résistance transépithéliale électrique en fonction de la dose d’iode et de corréler ces observations avec les images de nécrose cellulaire, la viabilité de cellules au bleu trypan et la libération dans le milieu extracellulaire de la lactate déshydrogénase. Les doses d’iode nécessaires pour obtenir ces effets toxiques sont élevées. Elles correspondent cependant à des situations cliniques connues, comme par exemple, après l’administration d’amioarone.
En conclusion :
- la vitamine E seule ou en association avec la vitamine C et le β-carotène ralentit le développement du goitre chez le rat, sans interférer avec le métabolisme iodé. Cet effet est lié à son action sur la prolifération des cellules folliculaires et ne dépend pas des variations de la TSH. Il est probablement dû à une action directe de la vitamine E sur une des voies de signalisation intracellulaire modulant la croissance de la thyroïde.
- la carence en vitamine E ralentit le développement du goitre et la croissance des rats sans interférer avec le métabolisme iodé de la thyroïde. Elle augmente la production de malondioldéhyde quelque soit l’état de la glande et le nécrose des thyrocytes durant l’induction et l’involution du goitre. Réduisant les défenses anti-oxydatives des cellules folliculaires, la carence en vitamine E aggrave la susceptibilité de ces cellules aux attaques radicalaires induites par une forte dose d’iode.
- l’iode à forte dose est toxique pour les cellules thyroïdiennes humaines en culture. Comme in vivo, l’iode doit être organifié pour être toxique. Les cellules thyroïdiennes en culture captent et organifient l’iode jusqu’à des très fortes concentrations
Bibliographic reference |
Mutaku Fwala, Jean. Effet des antioxydants lors du développement du goitre et de son involution. Prom. : Van den Hove, Marie-Françoise ; Denef, Jean-François |
Permanent URL |
https://hdl.handle.net/2078.1/247525 |