Circonscrire le désir : objet d’eros et hasard de la pulsion

Partant du mot de Freud selon lequel le concept de libido de la psychanalyse « coïncide avec l’Eros du divin Platon », cet article explore d’abord le sens de cette coïncidence, la nature du désir ainsi que son rapport à l’objet chez Platon et chez Freud. Car, bien que la pulsion ne se limite au simple désir sexuel, pour aucun des deux auteurs, l’une et l’autre théories se distinguent quant à l’importance donnée à l’objet du désir. L’enquête se poursuit alors en examinant ce que la psychanalyse nomme sublimation, exemple paradigmatique de déplacement d’objet. Quels mécanismes déterminent une telle élévation de l’objet du désir ? Le désir de savoir semble moins relever de la pulsion proprement dite, et davantage appartenir à un jeu de forces interne à la psyché. Dès lors, la comparaison initiée par Freud entre eros et libido permet de lui adresser en retour une question platonicienne. La sublimation de la psychanalyse permet-elle, comme c’est le cas pour le philosophe, une salutaire limitation de la pulsion par l’action la pensée ? Moins optimiste, la psychanalyse paraît, au contraire, mettre en évidence les limites du logos face au hasard insoluble de la pulsion, plutôt que la nécessaire union du désir et du savoir.