Richir, Alice
[UCL]
L’essai d’Alain Montandon explore deux célèbres mythes littéraires – celui de Mélusine et celui de Barbe‑Bleue – sous l’angle de la sociopoétique. L’approche, telle que Montandon la définit dès l’introduction, vise à mettre en évidence les représentations sociales qui travaillent de l’intérieur les principales réécritures des deux mythes, ces œuvres étant dès lors étudiées pour leur capacité à refléter quelques‑uns des discours propres à la culture et à l’époque qui sont les leurs. Le corpus retenu semble faire abstraction de toute frontière spatio‑temporelle comme de toute limite de genre : du Moyen Âge jusqu’aux productions contemporaines, l’essayiste se penche sur diverses aires géographiques occidentales, s’intéressant tout aussi volontiers à des œuvres romanesques que lyriques, à des réécritures théâtrales et filmiques, et même à des contes pour enfants. Le choix des deux mythes en question est justifié par le fait que tous deux ont en commun de traiter de la distinction entre les sexes et, par conséquence, de la question des identités féminine et masculine. La logique différentielle est, dans le cas de Mélusine comme dans celui de Barbe‑Bleue, sous‑tendue par une dynamique qui oscille entre l’attrait irrépressible pour l’autre sexe et l’effroi que suscite la découverte de sa véritable nature. Montandon présente Mélusine et Barbe‑Bleue comme des figures cosmologiques monstrueuses, dont chacune incarne d’une certaine manière le double inversé de l’autre : toutes deux partagent en effet la nécessité de préserver le secret de leur monstruosité, tandis que c’est l’interrogation vis‑à‑vis de cette essence cachée qui motive le désir – désir de (sa)voir – qu’éprouve le sexe opposé à leur encontre. Autrement dit, l’irrésistible pouvoir d’attraction exercé par ces deux archétypes réside dans le secret qui constitue leur différence ; ils sont désirés en tant que représentations de l’Autre. La longévité des deux mythes, dont la vitalité et le pouvoir de fascination sont encore largement attestés aujourd’hui, confirme par ailleurs l’intérêt de leur consacrer un essai.


Bibliographic reference |
Richir, Alice. Compte rendu / Ces monstres qui confèrent à l’éternel féminin & à son pendant masculin un statut mythique : Mélusine & Barbe‑Bleue. In: Acta Fabula, Vol. 21, no.1 (2020) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/230096 |