On trouvera dans la première partie de ce numéro sept études consacrées à Jean Starobinski. Elles sont précédées de l’introduction qu’il donna à son premier livre, une anthologie stendhalienne parue en 1943 dans la collection « Le Cri de la France » – intitulé qui, à lui seul, valait manifeste. « Stendhal demeure le créateur d’un type extrême de l’homme libre », écrit alors le jeune critique. Il ajoute que « sauter une muraille » est l’acte qui définit le héros stendhalien. Utile rappel en un temps où la tentation était forte de raser les murs et où triomphait Le Passe-Muraille (paru, lui aussi, en 1943). Texte inaugural, donc, que ce Stendhal. Et de bon augure : il annonce l’œuvre dont nous admirons aujourd’hui la probité autant que la liberté. « Haute fidélité » : ce clin d’œil au mélomane et au pianiste doit d’abord s’entendre comme un hommage aux qualités qui font de Jean Starobinski l’un des critiques les plus lus, les plus discutés, glosés, réinterprétés de ce temps. L’élégance d’une écriture qui associe rythme et rigueur n’est pas étrangère à l’attrait qu’exerce son œuvre, ni à l’attachement qu’on lui voue. Mais cette œuvre se recommande aussi et peut-être surtout par la confiance qu’elle suscite. Rousseau avait pris pour devise « Vitam impendere vero » ; celle de Starobinski pourrait être « Semper fidelis » – si le corps des U.S. Marines ne l’avait préemptée... Fidélité envers les œuvres expliquées et déployées ; fidélité à un projet intellectuel qui ne dissocie jamais l’acte de lecture de la réflexion théorique, ni d’une interrogation éthique.