Hébert, Emmanuelle
[UCL]
Les commissions d’historiens sont des acteurs de la transformation des conflits, des années après la guerre. Elles ont pour objectif de favoriser la réconciliation par un dialogue d’historiens. Elles tentent de rétablir un dialogue bilatéral et de mettre les mémoires, vives, tues ou exacerbées, souvent opposées, en perspective. Cette contribution vise à comprendre comment ces commissions débattent de la mémoire des conflits et, en retour, quels conflits de mémoire émergent ou au contraire s’apaisent dans ces dialogues transnationaux. Deux cas d’étude sont ici privilégiés : la commission polono-allemande portant sur les manuels scolaires, créée en 1972 et le groupe polono-russe sur les questions difficiles, établi en 2002, réactivé en 2008. Ces deux commissions traitent de l’histoire bilatérale, sans borne temporelle dans le cas polono-allemand – la commission débat longuement du rôle des Chevaliers teutoniques au XIVe siècle – et concentrée sur le XXe siècle – 1918-2008 – pour le groupe polono-russe. Cette présentation s’appuie sur un travail de terrain mené dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur les commissions d’historiens dans les processus de rapprochement en Pologne. L’analyse concerne les discussions ayant lieu dans le cadre de débats dits scientifiques, avec une attention portée aux faits, aux détails, une certaine technicité historiographique. Or l'étude des échanges via la technique des entretiens et l'analyse des archives montre que les émotions ne sont pas absentes (cf. drames nationaux, Pologne martyre, Christ des Nations…). Les historiens mettent en place des stratégies variées pour tenter de passer d'une relation d’ennemis (récits incompatibles, forte charge émotionnelle, positions sur la défensive) à une relation plus apaisée (récits divergents mais plus contradictoires). Ces méthodes sont aussi diverses que la domination d’un point de vue, le compromis, l’évitement, la superposition, le recadrage de la négociation. Les expulsions de 1945 mènent à la quasi-rupture du dialogue entre la Pologne et l’Allemagne dans les années 1970. La question des Chevaliers teutoniques souligne la présence persistante d’un conflit de mémoire. Dans le cas polono-russe, les débats autour de Katyn s’apaisent, tandis que ceux concernant Augustow émergent. L’apaisement est bref à propos des prisonniers soviétiques en Pologne en 1919-1921 : les tensions réapparaissent rapidement.


Bibliographic reference |
Hébert, Emmanuelle. Les commissions d’historiens : la mémoire en perspective .Congrès international de psychologie sociale en langue française (Université catholique de Louvain, du 04/07/2018 au 06/07/2018). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/211838 |