Biaumet, Gilles
[USL-B]
Faniel, Jean
[CRISP]
Matagne, Geoffroy
[ULg]
À côté des missions présentées dans les chapitres précédents, les politologues sont très régulièrement amenés à sortir des cadres codifiés de l’enseignement et de la recherche pour s’adresser à un public extérieur au monde académique. Ce faisant, ils remplissent la troisième mission traditionnelle de l’université, généralement désignée sous le vocable de service à la société (ou à la collectivité). À cet égard, le récent décret dit Marcourt prévoit en son article 2 que : « L’enseignement supérieur en Communauté française est un service public d’intérêt général. […] Ces établissements, ainsi que leur personnel, assument, selon leurs disciplines, moyens et spécificités, mais toujours dans une perspective d’excellence des résultats et de qualité du service à la collectivité, les trois missions complémentaires suivantes : […] 3° assurer des services à la collectivité, grâce à leur expertise pointue et leur devoir d’indépendance, à l’écoute des besoins sociétaux, en collaboration ou dialogue avec les milieux éducatifs, sociaux, culturels, économiques et politiques » . Plus encore sans doute que les missions d’enseignement et de recherche, la mission de service à la collectivité se révèle extrêmement protéiforme. Elle recouvre en effet des facettes et des modalités très variées et peu définies, alors même que sa nécessité est mise en avant de manière croissante par les pouvoirs publics. À ce titre, outre l’affirmation d’une certaine liberté académique dans l’organisation des missions de l’université (article 8), le décret Marcourt se limite à préciser que : « Les missions de services à la collectivité des établissements s’exercent en lien direct avec les activités d’enseignement ou de recherche qui y sont menées » (article 6). S’il n’existe pas de définition précise et officielle de cette mission, le rôle des politologues dans la société et le débat public est débattu depuis près d’un siècle (Merriam, 1921) et il renvoiet à un défi fondamental : mettre à la disposition d’un public citoyen et non académique, par un levier ou un autre, mais toujours à partir d’un savoir expert, les outils indispensables à la compréhension d’enjeux politiques et sociétaux (Damay et al., 2011). En raison de la diversité des activités qui y contribuent, il est difficile de répertorier systématiquement les services que rendent les politologues à la collectivité. Il est d’ailleurs remarquable que, dans le paysage universitaire francophone, seule l’Université catholique de Louvain propose une page spécifiquement dédiée à l’index de ces activités . Comment dès lors dresser une synthèse des services à la collectivité mis en œuvre par des politologues belges francophones en portant un regard à la fois rétrospectif et prospectif ? Présenter une évolution circonstanciée et généralisable de ce type d’apport de la science politique belge francophone semble d’emblée être un exercice impossible. Il reviendrait à catégoriser, prioriser, exclure certaines des multiples formes que donnent les politologues à leur engagement au-delà des murs de leur université, de l’organisation de la Foire du livre politique et de l’attribution annuelle du Prix du livre politique à la construction de dialogues entre chercheur·e·s et acteurs de la mobilisation sociale des migrants et de leurs soutiens (Collectif migrations et luttes sociales, 2017) en passant par la publication de cartes blanches collectives dans la presse quotidienne. Ne pouvant être exhaustif, ce chapitre propose dès lors d’aborder cette thématique sous trois angles qui illustrent cette diversité des manières dont la science politique peut participer au débat public et l’enrichir, et aider concrètement les citoyen·ne·s et dirigeants politiques dans leur engagement démocratique. De manière quelque peu passive, ou en tout cas non recherchée, les habitants de l’espace belge francophone, qu’ils soient politiquement actifs ou non, sont mis en présence des commentaires et analyses que les politologues développent dans les médias généralistes – imprimés, audiovisuels ou numériques. Différents aspects de cette présence médiatique sont décortiqués dans la première section de ce chapitre. Ces habitants peuvent avoir un intérêt particulier pour la compréhension du monde qui les entoure et, dans certains cas, nourrir le désir de s’y impliquer eux-mêmes, notamment pour peser sur le cours des choses. Dans ce cas, les analyses fournies par des politologues sous forme de publications dans des magazines ou des revues engagées, de conférences ou de formation peuvent leur être tout particulièrement utiles. La deuxième section illustre ces démarches et les apports réciproques des protagonistes. La troisième section est consacrée à la coopération universitaire au développement. À travers une série de projets d’appui à la formation et à la recherche, des politologues contribuent à renforcer le rôle sociétal de leurs partenaires au Sud, vus comme des acteurs majeurs du développement. Par ailleurs, dans le cadre des programmes d’appui à la politique, des politologues sont parfois associés de plus près à la définition ou à la mise en œuvre des politiques de coopération, soulevant ainsi la question de la tension entre principes de la recherche universitaire et logiques de la décision politique.


Bibliographic reference |
Biaumet, Gilles ; Faniel, Jean ; Matagne, Geoffroy. Les politologues belges francophones au service de la société : un rôle démocratique sous-estimé. In: Min Reuchamps, Emilie Van Haute, Jérémy Dodeigne, Audrey Vandeleene, Jean Faniel, L'ABSP : 20 ans de science politique en Belgique, Academia L'Harmattan : Louvain-la-Neuve 2017, p. 115-143 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078/184777 |