Meunier, Nicolas
[UCL]
La période alto-républicaine est probablement celle où la distinction mythe/histoire suscite les débats les plus passionnés parmi les Modernes. Si le récit traditionnel relatif à cette période est généralement considéré comme plus fiable sur le plan historique que celui de la période royale, il ne viendra à l’idée de personne de nier qu’il est le résultat d’un remaniement mythico-narratif qui s’est étalé sur plusieurs siècles et dont nous avons l’aboutissement dans les œuvres de Tite-Live et de Denys d’Halicarnasse. La thématique du conflit patricio-plébéien, plus particulièrement, illustre parfaitement le caractère inextricable du mythe et de l’histoire dans l’historiographie romaine des hautes époques : si la reconstruction de son souvenir est devenue une arme idéologique au temps de l’opposition entre optimates et populares, ceux-ci n’ayant pas hésité à projeter anticipativement des réalités tardives sur l’histoire des origines à des fins politiques, peut-on pour autant en nier toute historicité pour les périodes hautes ? Cette communication envisage de rouvrir plus précisément le dossier des sécessions de la plèbe et de leur contexte dans une perspective comparatiste, en portant notre attention sur les différences de traitement entre Tite-Live et Denys d’Halicarnasse. L’accent sera mis sur trois aspects. Le premier concerne les exempla qui constituent d’évidentes excroissances « mythiques » du récit (l’intervention de Menenius Agrippa et l’histoire de Verginia) : sur quels points Tite-Live et Denys ont-ils respectivement davantage insisté et pour quelle raison ? Le deuxième aspect que nous aborderons (beaucoup moins étudié par les Modernes que le précédent) est celui de la typologie des personnages dans les parties du récit considérées comme plus fiables sur le plan historique. Là se trouvent inextricablement liés mythe et histoire. Bien que s’appuyant sur un souvenir vraisemblablement authentique, le récit traditionnel ne se prive pas de mettre en scène les personnages et acteurs de l’histoire (qu’ils soient patriciens ou plébéiens) en leur prêtant des comportements très typés en fonction de valeurs morales positives ou négatives prédéfinies (gravitas, superbia, moderatio, etc.). Mais il y a de fortes différences à ce sujet entre Tite-Live et Denys d’Halicarnasse. Enfin, le troisième aspect que nous envisageons de développer au cours de cette communication concerne les causes prétendues des sécessions de la plèbe. Tite-Live et Denys n’insiste pas sur les mêmes points de la même façon et cela est peut-être bien révélateur d’une différence d’intention et d’objectif dans le remaniement mythico-narratif de l’histoire du conflit des ordres chez ces deux historiens.
(eng)
The period of the early Republic is probably the one where the distinction myth / history arouses the most passionate debates among modern scholars. If the traditional narrative concerning this period is generally considered more reliable from a historical point of view than the regal period, it will however cross no one’s mind to deny that it is also the result of a mythico-narrative rewriting, which took place over several centuries and of which we have the culmination in the works of Livy and Dionysius of Halicarnassus. The particular theme of the struggle of the orders perfectly illustrates the inextricable nature of myth and history in the historiography of early Rome: if the reconstruction of its memory has become an ideological weapon at the time of the opposition between optimates and populares – these ones have not hesitated to project some of their contemporary realities onto the history of the origins for political purposes – can we therefore deny its historicity for the early periods? This paper intends more specifically to open the issue of the secessions of the plebs and their context in a comparative perspective, with particular attention to the differences in treatment between Livy and Dionysius of Halicarnassus. We will focus on three aspects. The first concerns the exempla that are obvious "mythical" outgrowths of the traditional account (the speech of Menenius Agrippa and the story of Verginia): on which points have Livy and Dionysius respectively more insisted, and why? The second aspect we will address (much less studied by modern scholars than the previous one) is that of the typology of the characters in the narrative parts considered more reliable from a historical point of view. Here are intertwined myth and history. Although relying on a presumably genuine memory, the traditional account does not hesitate to stage the characters and actors of history (whether patrician or plebeian) by paying them very typical behaviours based on positive or negative predefined moral values (gravitas, superbia, moderatio, etc.). But there are strong differences on this subject between Livy and Dionysius of Halicarnassus. The third aspect we plan to develop in this paper regards the alleged causes of the secessions of the plebs. Livy and Dionysius does not stress the same points in the same way and this is perhaps indicative of a difference of intent and objective in the mythico-narrative rewriting of the struggle of the orders in these two ancient historians.


Bibliographic reference |
Meunier, Nicolas. Le conflit patricio-plébéien entre mythe et histoire : comparaison des sécessions de la plèbe chez Tite-Live et Denys d’Halicarnasse.9th Celtic Conferene in Classics, Panel : Myth and History in the Historiography of Early Rome (Dublin, du 22/06/2016 au 25/06/2016). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/181712 |