Janssen, Frank
[UCL]
Surlemont , Bernard
[HEC ULg]
De Hoe, Roxane
[UCL]
Schmitt, Christophe
[Université de Lorraine]
Dans certaines cultures, l’entrepreneur est présenté comme le héros des temps modernes. Dans d’autres, il est assimilé au capitaliste exploitant les masses laborieuses. Certains distinguent l’entrepreneur, novateur et motivé par le profit ou la croissance, du propriétaire-dirigeant, plutôt animé par des aspirations personnelles et familiales (Carland et al., 1984). Le terme « entrepreneur » est souvent utilisé pour représenter des réalités fort différentes les unes des autres (le patron d’un bar-tabac ou le dirigeant d’une entreprise de haute technologie cotée sur le Nasdaq ; le fondateur d’une association caritative ou l’héritier d’une vieille entreprise familiale). Que signifie-t‑il exactement ? Les entrepreneurs sont-ils tous motivés par des objectifs similaires ? Peut-on isoler les caractéristiques psychologiques des entrepreneurs ? Les qualités des entrepreneurs sont-elles innées ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles ce chapitre tentera de répondre. Le terme « entrepreneur » remonte à la fin du xviie siècle (Verin, 1982), époque à laquelle il apparaît dans la langue française pour être repris, bien plus tard, dans la langue anglaise. Le terme a fait l’objet d’une multitude de définitions. En effet, les chercheurs qui se sont intéressés à l’entrepreneur sont issus de nombreuses disciplines différentes et les définitions données au terme sont généralement tributaires des prémisses de la discipline dont est issu le chercheur. Historiquement, on peut distinguer deux grandes approches de l’entrepreneur : l’approche fonctionnelle et l’approche indicative (Casson, 1982). La première définit l’entrepreneur au travers de sa fonction (ce qu’il fait). La seconde l’appréhende au travers de ses caractéristiques (ce qu’il est). Cette distinction correspond également aux grands courants qui se sont intéressés à l’entrepreneur : l’économie pour l’approche fonctionnelle, la théorie comportementaliste pour l’approche indicative. Dès les xviiie et xixe siècles, certaines théories (Say, 1841 ; Cantillon, 1755) ont mis en exergue l’importance de l’entrepreneur pour l’économie en général, notamment sur la base de son rôle dans le processus de production. Ces théories demeurent toutefois marginales par rapport aux théories économiques classique ou néoclassique, selon lesquelles les entreprises opèrent un calcul qui leur permet d’optimiser leur profit et sont, par conséquent, virtuellement dépourvues d’entrepreneurs. Schumpeter rompra avec cette école de pensée traditionnelle et reconnaîtra à l’entrepreneur un rôle central dans les mécanismes économiques (Schumpeter, 1990). L’approche fonctionnelle développée par les économistes sera présentée dans le chapitre consacré à l’importance économique de l’entrepreneuriat. Les travaux des comportementalistes ont débuté dans les années 1960 et ont connu leur heure de gloire durant les années 1980. L’objectif sous-jacent à ces recherches était de différencier les entrepreneurs des autres individus, notamment au travers de l’identification de leurs caractéristiques psychologiques ou « traits ». Selon cette école de pensée, l’identification de ces qualités permettrait de prédire le comportement entrepreneurial. L’approche indicative et les caractéristiques des entrepreneurs feront l’objet de la deuxième section de ce chapitre. Les recherches sur les traits n’ont toutefois pas permis d’établir un profil psychologique absolu de l’entrepreneur (Filion, 1997), ni de prévoir des comportements entrepreneuriaux. Cet échec peut partiellement être imputé au fait que l’approche par les traits néglige l’influence de l’environnement sur l’entrepreneur et l’émergence de comportements entrepreneuriaux. Aujourd’hui, les qualités entrepreneuriales ne sont plus vues comme exclusivement innées ; on considère qu’elles peuvent également être acquises. Telle est d’ailleurs la question que l’on retrouve en filigrane des différentes approches de l’entrepreneuriat depuis les travaux de Say jusqu’à nos jours : l’entrepreneuriat est-il inné ou acquis ? La troisième section tentera d’y répondre. Outre cette question de l’inné et de l’acquis, certains auteurs se sont demandé s’il était possible de prédire le comportement entrepreneurial. Dans ces recherches, le centre des préoccupations est l’intention d’un individu à vouloir entreprendre. La quatrième section évoquera les différentes théories pouvant expliquer cette intention entrepreneuriale. D’autres facteurs peuvent également influencer le comportement entrepreneurial. Plusieurs auteurs se sont intéressés aux processus cognitifs de l’entrepreneur. Les émotions peuvent également guider un choix de carrière entrepreneurial. Dans cette perspective, une cinquième section sera consacrée à ces nouvelles pistes de recherche dans le domaine de la psychologie de l’entrepreneur. Avant d’aborder ces points, la première section de ce chapitre définira l’entrepreneur et s’interrogera sur ses motivations, qui permettent notamment de comprendre pourquoi le concept est complexe et multiforme. Cette complexité a conduit certains auteurs à proposer des typologies entrepreneuriales.


Bibliographic reference |
Janssen, Frank ; Surlemont , Bernard ; De Hoe, Roxane ; Schmitt, Christophe. L’entrepreneur. In: Janssen, Frank, Entreprendre : Une introduction à l'entrepreneuriat, de boeck supérieur : Louvain-la-Neuve 2016, p. 39-58 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/176018 |