Campion, Jonas
[UCL]
En Belgique, la montée en puissance de la gendarmerie est continue à partir de la fin de la Première Guerre mondiale. Le processus aboutit en 1957 à l’adoption d’une loi fondamentale, prévue par la Constitution de 1830 mais jusqu’alors jamais votée. Celle-ci marque la reconnaissance du corps comme pierre angulaire de l’appareil policier en place dans le pays. Les deux guerres mondiales constituent des moments charnières de cette dynamique, puisque représentant à la fois des laboratoires d’expériences, des temps de débats et des coups d’accélérateurs de transformation de l’appareil policier. Entre 1918 et 1957, la gendarmerie croît, se spécialise, se forme, s’équipe, s’autonomise, élargit la gamme de ses missions et sa place dans la vie publique. Dans un pays marqué par un très fort localisme (autonomie communale), une politisation profonde (pilarisation), des questions linguistiques, les caractéristiques de la gendarmerie (centralisation, neutralité politique supposée, efficacité, maillage territorial, équipement, militarité) constituent autant de facteurs permettant son développement, dans une société qui évolue lentement vers l’État Providence mais qui reste marquée par une relative immobilité policière. Au cours de ce premier vingtième siècle, il est possible d’affirmer que, sans pour autant les renier, la gendarmerie belge, passant d’une institution du 19e siècle à une administration du 20e siècle, s’éloigne petit à petit de ses origines française puis néerlandaise, pour développer une expertise, un savoir-faire et une identité propre, qui lui permettront – à terme – de devenir, comme la définiront ses détracteurs, un « État dans l’État ». Les facteurs expliquant cette montée en puissance, ainsi que les modalités qu’elle prend méritent notre attention. À partir des sources administratives du corps (notes, ordres, rapports, dossiers de carrières, correspondances), de ses autorités de tutelle (ministères de l’Intérieur, de la Justice, de la Défense nationale), des archives témoignant de la vie politique belge, mais aussi des documents témoignant d’une expertise et d’un savoir professionnel (presse, rapports, littérature grise) , cette contribution en éclaire les enjeux. Plus particulièrement, nous mettons l’accent sur les caractéristiques et expériences qui distinguent, entre 1918 et 1957, la gendarmerie belge de ses consœurs européennes d’une part, des autres polices belges de l’autre. Nous envisageons à la fois l’organisation (effective et souhaitée), les valeurs, les missions et le cadre intellectuel propre à la gendarmerie belge. Par une confrontation à la fois nationale et internationale du corps, notre objectif est de discuter l’intérêt, la rencontre et la multiplication d’éventuels modèles gendarmique en Europe, au cours du 20e siècle. Pour ce faire, nous portons une attention particulière aux lieux de confrontations, d’influences et aux modalités d’échanges entre gendarmes et policiers, entre polices et gendarmeries, en Belgique et à l’étranger (ou dans les colonies). Par ce biais, nous distinguons les particularismes et les caractéristiques identitaires de la gendarmerie belge durant une période charnière de son histoire, marquée au prisme de deux conflits majeurs, et nous réfléchissons ainsi à l’éventualité d’un « modèle » belge de gendarmerie au cours du 20e siècle.


Bibliographic reference |
Campion, Jonas. Vers un « État dans l’État » ? La gendarmerie belge, d’une sortie de guerre à l’autre (1918-1957). In: Jean-Noël Luc, Arnaud Houte (dir.), Les gendarmeries dans le monde, de la Révolution française à nos jours, PUPS : Paris 2016, p. 173-185 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/171401 |