Taskin, Laurent
[UCL]
Ajzen, Michel
[UCL]
Portées par un contexte de flexibilisation des pratiques du travail, d’individualisation de la relation d’emploi et facilitées par l’évolution et l’accès massif aux technologies de l’information et de la communication, les nouvelles formes d’organisation du travail ont émergé comme une réponse aux enjeux contemporains auxquels les entreprises font face. Toutefois, que signifient ces nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT)? Quels sont les enjeux qu’elles soulèvent en matière de gestion de ressources humaines ? Quels sont les effets, dans le temps, de ces NFOT tant sur l’organisation que sur ses collaborateurs ou encore, sur sa performance ? Autant de questions auxquelles le partenariat de recherche entre le centre de connaissances de SD Worx et la Louvain School of Management (UCL) a tenté d’apporter des réponses. Appréhender les NFOT, c’est avant tout considérer un « mix organisationnel » composé de pratiques de flexibilité du temps et de l’espace de travail (comme le télétravail mobile ou à domicile, le télécentre, le flexible desk ou l’open space), de formes particulières d’organisation du travail (comme les équipes virtuelles, les équipes autonomes ou semi-autonomes) et de management (tel que le management par objectif, le management participatif, le knowledge management ou la communauté de pratiques) dont la mise en œuvre est facilitée par les technologies de l’information et de la communication et, surtout, qui participe au projet d’une entreprise collaborative et davantage démocratique dans sa gouvernance (Taskin, 2012). Ces NFOT soulèvent de nouveaux enjeux en matière de GRH. Citons, à titre d’exemple, le management à distance qui questionne la visibilité, la présence et les modes de contrôle traditionnels des collaborateurs. Notons également, le rôle du management qui évolue vers de l’accompagnement plutôt que du contrôle. Enfin, ces NFOT questionnent la dimension collective du travail que ce soit par le biais du lien identitaire entre l’organisation et ses collaborateurs (socialisation) ou par la relation entre ces derniers (collaboration). Questionner les effets des NFOT sur les organisations, c’est également s’interroger à la fois sur les retombées en matière de performance organisationnelle, mais aussi, sur ce qu’implique d’un point de vue managérial, une philosophie résolument ancrée sur la collaboration et la participation des collaborateurs. C’est ce que nous avons nommé, dans le cadre de cette recherche, la performance organisationnelle durable (POD) que nous définissons comme : « la capacité de l’entreprise à rechercher une performance multiple, dans un horizon temporel long et avec le souci d’impliquer les parties prenantes et, en particulier les collaborateurs, dans le gouvernement de l’entreprise ». Partant de ce travail de définition et de caractérisation, nous avons réalisé une enquête avec le triple objectif, (a) d’étudier la présence des pratiques NWOW dans les organisations belges ; (b) de mesurer la performance organisationnelle durable de ces entreprises ; et (c) d’analyser les relations entre POD et NWOW. Notre échantillon se compose ainsi de 481 répondants (principalement HR managers, responsables d’entreprise ou de département) provenant de nombreux secteurs d’activités. Parmi ceux-ci, 44% se situent en Flandre, 28% en Wallonie et 28% à Bruxelles. Cherchant à positionner les entreprises de l’échantillon par rapport à leur rang en matière de performance organisationnelle et de durabilité, nous avons opté pour une analyse non paramétrique, sans présumer d’aucune prévalence d’une catégorie de performance ou de durabilité, au détriment d’une autre. Du côté des pratiques de NFOT, on observe que dans plus de la moitié des entreprises de notre échantillon, le MBO, l’open-space et le télétravail y sont pratiqués. A contrario, la moins populaire est l’équipe virtuelle car son usage semble déterminé par les spécificités de l’activité de l’entreprise et de son environnement de travail. Par ailleurs, on remarque que e nombre de pratiques augmente avec la taille de l’entreprise. Toutefois, la surreprésentation des grandes entreprises n’est vraiment significative qu’à partir de 6 pratiques cumulées de NFOT. Lorsque l’on questionne la présence de pratiques NFOT dans les entreprises en fonction de leur score de performance organisationnelle durable (POD), on observe que plus l’entreprise à une POD importante, au plus on y retrouve des pratiques telles que le télétravail, l’équipe virtuelle, le management participatif, l’équipe (semi-autonome) et le MBO. Par ailleurs, on observe un effet du nombre de pratiques NFOT sur la POD. Cela ne signifie pas pour autant que mettre en place plus de pratiques NFOT conduit à un meilleur score de POD. En effet, ces résultats doivent être considérés au regard du double effet « taille de l’entreprise » et « cohérence organisationnelle ». Enfin, la POD sera aussi fonction de la nature du choix managérial qui accompagne le développement de NFOT dans les organisations et que nous avons catégorisés autour de trois logiques : « ad hoc », « de flexibilité » et « collaborative ». Si ces logiques ne s’excluent pas mutuellement – mais sont plutôt de nature cumulative – cette recherche permet également de conclure que la logique collaborative est celle qui conduit à un niveau de performance organisationnelle durable supérieur.


Bibliographic reference |
Taskin, Laurent ; Ajzen, Michel. Managing sustainable and innovative workplaces: New ways of working, towards sustainable organizational performance?. (2015) 140 pages |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/160585 |