Standaert, Olivier
[UCL]
(fre)
Cette étude vise à décrire l’influence croissante des logiques flexibilité sur les débuts de carrière des jeunes journalistes belges francophones. Marquées par une crise de l’emploi d’une ampleur inédite ainsi que par une profonde mutation de leurs modèles d’affaires, les entreprises journalistiques garantissent de plus en plus difficilement un avenir stable et prévisible aux nouveaux arrivants sur le marché du travail. Ceux-ci sont de toute évidence trop nombreux eu égard aux capacités d’intégration du champ. La majorité des études scientifiques sur les formes et les effets de la flexibilité se focalisent sur les catégories professionnelles peu qualifiées, combinant en général d’autres handicaps, personnels et familiaux le plus souvent, à leur situation professionnelle. Les trajectoires et les formes identitaires des jeunes journalistes démontrent sans équivoque que les situations incertaines, voire précaires, touchent aussi des jeunes hautement qualifiés issus pour la plupart de couches sociales favorisées, bénéficiant de certaines solidarités familiales et conférant à leur insertion professionnelle un caractère souvent prioritaire. Après avoir établi ces observations grâce à une étude longitudinale d’un corpus de jeunes journalistes, cette étude analyse l’impact des logiques flexibles dans la gestion collective des jeunes journalistes, notamment lors du recrutement, de l’évaluation et de l’assignation des tâches. À partir d’une approche interactionniste des groupes professionnels, l’étude de l’insertion des nouveaux journalistes permet de saisir comment la déstandardisation des débuts de carrière crée de nouvelles formes identitaires partiellement éloignées des idéaux d’avant-carrière et des valeurs traditionnelles ayant réussi à faire du journalisme une profession distincte, reconnue et plus ou moins solidement positionnée dans le champ social. La logique flexible reconfigure les statuts sociaux, la mobilité et la fluidité professionnelles, la vision de son propre avenir, la socialisation et l’intégration dans le tissu entrepreneurial. À son stade le plus poussé, elle agit aussi comme un facteur clé de la séparation de plus en plus fréquente entre l’emploi et le travail. Jadis réunis dans un couple stable grâce au contrat à temps plein et à durée indéterminée, emploi et travail sont, parmi la population étudiée, associés de plus en plus aléatoirement, obligeant la majorité des individus actifs dans le journalisme à assurer par eux-mêmes la continuité de leur trajectoire et de leur devenir professionnel. De ce fait, l’analyse des liens spécifiques entre emploi et travail conclut à un renforcement de l’individualisation du fait professionnel, lourde de sens dans le marché du travail journalistique, historiquement marqué par la faible cohésion entre ses parties prenantes, sa porosité identitaire et la place centrale qu’elle accorde à la valorisation de compétences intrinsèquement individuelles.


Bibliographic reference |
Standaert, Olivier. Le journalisme flexible : trajectoires d'insertion, identités professionnelles et marché du travail des jeunes journalistes de Belgique francophone. Prom. : Grevisse, Benoît ; Derèze, Gérard |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/159017 |