Dusausoit, Xavier
[UCL]
The target of this work was to contribute to the progress of our knowledge of the social history of education. During the 19th century and the beginning of the 20th century, the schools of the Belgian Jesuits profited a period of more than 80 years of uninterrupted functioning. Tens of thousands teenagers have been gathered by the colleges in order to receive a humanities' education and to prepare a lot of them to enter the universities which will give them a secured access to the most prestigious functions of the society. Therefore the influence of the Society of Jesus upon the Belgian society of that time could be enormous but the requests and demands from the public also deeply influenced this religious order. This PhD. has tried to measure these interactions from some privileged moments of encounter, which existed, between these schools and the so-called "civilian society" of this time. To deepen the analysis of the situation, five colleges have been more especially studied (Alost, Gent, Brussels, Mons and Verviers). Five "moments" permitted the schools and the society to interact. The first of them is the process of settling of the Jesuits into the different cities where they wanted to open a school: the fathers had to take into account the political, social and religious situation of each town in order to find a sufficient support to make their project successful. They also had to find an adequate legal and financial Status to insure the survival of their college. Sometimes, fifty years were necessary to fulfil the purpose in view. The second "moment" is obviously the meeting in the classroom of two groups: the teachers, the supervisors and the administrative directors on one hand and, on the other hand, the pupils. This study has succeeded to establish which proportion of its forces the Belgian province of the Society of Jesus dedicated to the education, which were the characteristics of Jesuit teachers in comparison with their non-teachers colleagues. An unknown but numerically important world has been put in light: the world of the lay teachers of the Jesuit colleges (the study of this group has also permitted to know the Jesuits as employers). About the pupils the reputation of the colleges as elitist schools has been somehow denied: the recruitment was more diversified than expected. The school selection was strong but basically meritocratic. The lower middle class was the main victim of this selection. Finally, the education of the colleges was a good investment for the parents: a social stability was secured for the 60% of the already wealthy ones and a clear social upward mobility existed in favour of the 25% of the pupils coming from modest origin. Concerning the professional future of the pupils, these schools were the main way towards priesthood and legal professions. This was a difference between the Belgian Jesuit colleges and other schools : French Jesuit colleges, French State's schools of the Second Empire, some Belgian "Athénées" or schools of other religious orders). The pupils didn't only meet teachers; they had to study school programs and to practise some methods. Programs and methods weren't moreover as immutable as generally thought. Jesuits will put into a point ...
Le but de ce travail était de contribuer à faire progresser nos connaissances dans le domaine de l'histoire sociale de l'éducation. Au XIXè s. et au début du XXè s., les écoles des jésuites belges ont bénéficié d'une période de fonctionnement ininterrompue de plus de 80 ans. C'est par dizaines de milliers que les collèges ignatiens accueillirent des adolescents pour leur prodiguer un enseignement des humanités et pour préparer une bonne partie d'entre eux à l'accession aux études supérieures et universitaires qui, à l'époque, pouvaient leur assurer l'accès aux fonctions les plus prestigieuses. L'influence de la Compagnie de Jésus sur la société belge de l'époque a donc pu être considérable mais les sollicitations et les demandes émanant de cette société ont, elles aussi, profondément influencé la congrégation religieuse. Cette thèse de doctorat a essayé de mesurer ces interactions à partir des moments de rencontre privilégiés qui existaient entre les établissements d'enseignement et la «société civile» de ce temps. Pour approfondir l'analyse de la situation, cinq collèges des jésuites belges ont été plus spécialement étudiés (Alost, Gand, Bruxelles, Mons et Verviers). Cinq «moments» ont permis aux écoles et à la société d'interagir. Le premier de ceux-ci est constitué par le processus d'implantation des jésuites dans les différentes villes où ils voulaient ouvrir un collège : les religieux durent compte de la situation politique, sociale et religieuse de chaque cité pour y trouver les appuis suffisants afin de mener à bien leur projet. Ils durent aussi trouver un statut juridique et financier adéquat pour assurer la pérennité de leur établissement. Cinquante années furent parfois nécessaires pour atteindre cet objectif. Le deuxième «moment» est évidemment celui de la rencontre dans les classes de deux groupes : celui des professeurs, des surveillants et des responsables administratifs et celui des élèves. Cette étude a permis de déterminer quelle proportion de ses forces la province belge de la Compagnie consacrait à l'enseignement, quelles étaient les caractéristiques des jésuites belges en général et des jésuites enseignants en particulier. Un monde méconnu mais numériquement important et en forte croissance a été mis en lumière : celui des maîtres laïcs (l'étude de ce groupe a aussi permis de découvrir les jésuites en tant qu'employeurs). Du coté des élèves, la réputation des collèges en tant qu'écoles élitistes a été quelque peu mise à mal : leur recrutement était plus diversifié que prévu. Une sélection scolaire forte existait mais elle était essentiellement méritocratique. C'est la petite bourgeoisie qui était la principale victime de cette sélection. Au total, pour les parents, l'enseignement des collèges représentait un bon investissement : la stabilité sociale était assurée pour 60% des familles déjà «favorisées» et une ascension sociale nette s'ouvrait pour 25% de jeunes issus de milieux plus modestes. Au point de vue du devenir social ultérieur des élèves, ces écoles étaient la voie royale vers la prêtrise et vers les professions juridiques (ce en quoi elles se distinguaient des écoles jésuites françaises, des écoles officielles françaises et d'écoles belges aussi bien officielles que congréganistes). En même temps qu'ils étaient confrontés à des hommes, les élèves devaient étudier des programmes et se plier à des méthodes. Programmes et méthodes ne furent d'ailleurs pas aussi immuables qu'on le croit généralement. Les jésuites vont pousser à la perfection ce qu'ils connaissent bien. D'un enseignement gréco-latin extrêmement classique et un peu vieilli, ils vont faire des études modernisées et très efficaces face aux exigences des études supérieures. Pour attirer un nouveau public, de nombreuses classes primaires seront créées. Mais surtout des sections, auxquelles on reconnaîtra finalement le titre d'humanités, non-latines, apparaîtront. Celles-ci seront qu'un demi-succès numériquement parlant. Le manque d'investissement en moyens humains et le mépris relatif dans lequel on tiendra ses classes ne contribueront guère à donner une bonne image des humanités modernes dans les collèges ignatiens. Le théâtre et l'académie littéraire étaient également au carrefour de la vie scolaire et de la vie sociale. Le but de ces activités essentielles était, d'une part, de former des hommes par le Verbe et, d'autre part, les classes travaillaient pour convaincre, divertir et influencer la Cité. En fait, un répertoire théâtral très original se retrouvera perdu dans une masse de vaudevilles mièvres et aseptisés. Une petite minorité de pièces engagées (voire de pièces «de combat») attire aujourd'hui le regard face à une tendance générale qui s'abandonnait à la facilité et à la convention bourgeoise. Les académies littéraires seront, pour leur part, plus intéressantes mais réservées à une certaine élite. Le dernier moment de rencontre entre la société et les collèges se situera lui aussi à cheval entre les activités scolaires et la vie de la Cité. La création d'un monde jésuite basé sur le travail et l'influence des élèves et des anciens élèves sera recherchée plus ou moins consciemment par les Pères. A la base, des congrégations mariales scolaires servirent de base à des sodalités d'adultes parfois très influentes. Les jésuites, leurs élèves et leurs Anciens jouèrent aussi un rôle très important dans la Société de Saint-Vincent de Paul (au moins d'un point de vue sociologique). Les PP. et leurs «amis » seront également actifs mais dans une moindre mesure dans le mouvement des Xaviériens et dans la vie culturelle catholique. Enfin, l'influence de membres de la Compagnie sur la presse et le parti catholique s'est révélée parfois importante dans certaines cités mais nous ne connaissons sans doute encore que la partie émergée de l'iceberg. En conclusion, s'il faut essayer de définir un modèle de comportement jésuite face à des activités et à des circonstances aussi variées, on pourrait dire que les jésuites belges du XIXe s. furent des conservateurs mais des conservateurs «intelligents». Ils furent capables de pousser à la perfection ce qu'ils maîtrisaient bien mais aussi de s'adapter et d'innover lorsqu'il s'agissait de préserver l'essentiel au prix d'une modernisation des formes et du modus operandi.


Bibliographic reference |
Dusausoit, Xavier. Les collèges jésuites et la société belge du XIXe siècle (1831-1914) : échanges, influences et interactions. Prom. : Lory, Jacques |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149814 |