Quairiaux, Yves
[UCL]
Cette recherche s'inscrit dans le champ de l'histoire des mentalités, plus particulièrement dans le domaine des représentations. Il s'agit pour nous de retrouver et de reconstituer dans son histoire et sa diversité le mode de pensée par stéréotype de la Flandre et des Flamands dans l'imaginaire wallon. L'intérêt de cette enquête n'est pas à démontrer. Les schémas mentaux globalisant et simplificateurs exercent une influente déterminante dans le climat communautaire. Les préjugés et les stéréotypes nationaux se développant dans la durée et selon un rythme lent, nous avons choisi une période suffisamment longue pour permettre de déceler l'émergence d'images longtemps fragmentées et intériorisées et d'en dessiner l'évolution. Le choix s'est porté sur la période 1857-1914. 1857 s'est imposé comme année de départ, car étant celle où se manifestent les premières réactions significatives de l'opinion wallonne face au mouvement flamand. Elle correspond aussi à la naissance de la Société de littérature wallonne, premier signe « institutionnel » d'une prise de conscience identitaire étendue à toute la Wallonie. Sur le plan heuristique, sans négliger les écrits en langue française, la littérature et la tradition dialectale wallonne furent privilégiées. Elles permettent, seules, de reconstituer la palette des images populaires. L'examen aussi exhaustif que possible de ces sources (près de 5000 pièces de théâtre et plus encore de chansons), a permis de retrouver nombre de clichés répartis en types politiques et sociaux. Pour les premiers, outre l'examen des sources dialectales nous avons aussi procédé à l'analyse des débats parlementaires, des publications émanant du mouvement d'action wallonne, ainsi qu'à des sondages ciblés dans la grande presse régionale. La vision politique dominante qui s'y exprime est celle d'une communauté flamande rurale et rétrograde, soumise à l'influence d'un clergé réactionnaire et isolée du monde par la pratique d'un patois archaïque (le flamand). Quant aux flamingants, ils sont considérés soit comme des fanatiques « insensés » ou comme des profiteurs cyniques. Sur le plan des stéréotypes sociaux, le personnage générateur d'images est celui de l'immigré flamand en Wallonie. Avant de passer en revue les clichés qui traduisent cette réalité sociale, nous avons procédé à l'analyse démographique des différents aspects de ce phénomène migratoire, notamment sur le plan du statut socioprofessionnel ; ceci tant dans le domaine de l'industrie que de l'agriculture. Dans les deux cas, ces migrants se retrouvent essentiellement dans les emplois les moins qualifiés. Nous nous sommes aussi intéressé à la chronique de la vie associative des Flamands en Wallonie, au phénomène de la prétendue « criminalité flamande », ainsi qu'à l'attitude de ces migrants lors des conflits sociaux. Enfin, une attention particulière a été réservée au profil, souvent peu valorisant, du Flamand tel qu'il s'exprime dans l'imagerie populaire au travers de la littérature lyrique et dramatique, ainsi que dans la tradition orale wallonne. Ceci essentiellement à l'intérieur du bassin industriel et des zones de grandes cultures, seules régions de Wallonie où la présence humaine flamande était suffisamment perceptible. En conclusion, les images des Flamands véhiculées dans l'opinion wallonne de l'époque expriment une vision plutôt négative qui apparaît en contrepoint d'une conception volontairement et dialectiquement positive de la Wallonie par elle-même. Par bien des côtés, cette situation rappelle, mais de manière inverse, les visions croisées des communautés wallonnes et flamandes d'aujourd'hui.


Bibliographic reference |
Quairiaux, Yves. Les stéréotypes du Flamand en Wallonie (1857-1914) : images et réalités : essai au départ des sources dialectales wallonnes, explications politiques et sociales. Prom. : Pirotte, Jean |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149785 |