Mincke, Christophe
[FUSL]
Abstract du colloque: "Pour la géographie, l’espace est une dimension contenant des entités matérielles et permettant à l’homme de déployer son action physique. Cette approche considère donc l’espace comme une dimension strictement physique. À l’inverse, la sociologie connaît une longue tradition de recours à l’espace comme dimension dans laquelle se déploient des objets et actions qui, pour n’être pas physiques, n’en sont pas moins tangibles. Or, paradoxalement, alors que la sociologie opère un retour sur l’espace, elle pourrait être tentée de le faire en empruntant le concept étroit des géographes, et de faire de l’espace un objet parmi d’autres, plutôt que de s’affranchir de sa conception purement physique pour en faire un analyseur des phénomènes sociaux contemporains. Dans notre contribution, nous soutiendrons que l’espace devrait être entendu comme une dimension non strictement physique. Déjà présente en filigrane de notions comme celles d’espace social, de champ (Bourdieu), de cadre de l’expérience (Goffman) ou de zone d’incertitude (Crozier), elle irrigue aussi bon nombre de représentations sociales au travers de notions comme celles de frontière, de domaine, d’aire, de transgression ou encore d’intersection. Ces dernières sont mobilisées pour décrire des constructions sociales et conceptuelles aussi diverses que les disciplines scientifiques, les sexes et genres, la famille, les compétences institutionnelles ou encore les systèmes moraux, philosophiques ou religieux. La notion d’espace participe à l’articulation de domaines très divers du social. Nous formulerons l’hypothèse que l’espace ne peut être étudié sans le temps. Ces deux dimensions, outre qu’elles prennent des formes multiples au travers de processus de construction sociale, ne peuvent en effet être étudiés séparément. Elles doivent au contraire être analysées en tant que composantes de morphologies réunissant des acceptions coordonnées de l’espace et du temps. Ces morphologies formalisent des idéaux-types de représentations sociales de l’espace-temps. Partant de ces prémisses, nous défendrons l’idée que nous vivons une articulation entre deux de ces morphologies. La première, la forme-limite, se fonde sur la structuration de l’espace par la frontière (aires) et du temps par des ruptures brusques entre des stases clairement distinctes (ères). La seconde, la forme-flux, reposerait au contraire sur une conception du temps comme un flux perpétuellement érodant et de l’espace comme une étendue ponctuée de pôles d’attraction. La modification des représentations sociales de l’espace-temps résulte en celle des rapports à la mobilité, définie comme un déplacement dans un espace (physique ou non) au cours du temps. Émerge, sous le règne de la forme-flux, une focalisation sur la mobilité comme expérience humaine fondamentale et comme impératif. Cet impératif prend la forme d’une « idéologie mobilitaire » consacrant la mobilité comme bien en soi et obligation. Cette idéologie se concrétise au travers de quatre impératifs : activité, activation, participation et adaptation, dont la combinaison impose un mouvement perpétuel dans un monde conçu lui-même comme mobile en permanence."


Bibliographic reference |
Mincke, Christophe. L’espace est-il une dimension physique ? Sociologie de l’espace ou spatialisation de la sociologie ?. (2014) 12 pages |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.3/144668 |