Mazzocchetti, Jacinthe
[UCL]
Une des particularités de la modernité insécurisée est le caractère instable des relations, mais aussi des réussites. Les situations ne sont jamais totalement figées. L’argent obtenu et l’entregent ménagé recèlent un caractère transitoire, voire magique. Le fait que la plupart des personnes ne savent pas d’où vient l’argent des « puissants », des « richards », des gouvernants, ni ce qui en est fait, installe un climat où il apparaît possible d’être riche, mais aussi d’être pauvre, du jour au lendemain… Du coup, se distinguer par l’apparat ou les objets possédés permet de se démarquer, de faire preuve de sa réussite et, dès lors, de faire des autres « ses obligés » mais aussi, paradoxalement, de maintenir les gens à relative distance, de s’octroyer un contrôle sur les relations. Pour les universitaires, cela permet en outre de marquer la frontière entre « les intellectuels » et « les paysans, les analphabètes, la masse laborieuse », comme le disent les jeunes rencontrés. Même si, pour certains, ils vivent dans des conditions plus précaires que ces groupes qu’ils dénigrent. Ils tiennent à montrer qu’ils sont « modernes », sortis de cette condition honteuse du « pauvre » et de l’ « ignorant ». Ce chapitre analyse comment les étudiants et les jeunes diplômés de l’UO rencontrés articulent-ils les pressions de la communauté, leurs désirs de réussite, les échecs, leur volonté de consommer, l’absence de protection et d’un État tiers ? L’analyse des rapports de force entre hommes et femmes, mais aussi entre femmes et entre hommes de générations différentes, des pressions sociales et des désirs individuels, m’a permis de mettre en évidence quatre lignes de force qui traversent les représentations et les pratiques des jeunes fréquentés : les contraintes communautaires obligées mais désincarnées, le pragmatisme et la ruse, la performance et l’invention de soi et, enfin, la loi du plus fort comme seule source de régulation véritablement transversale.


Bibliographic reference |
Mazzocchetti, Jacinthe. Chacun dans son chacun’. Tracer sa route entre modernité insécurisée et modernité mirage . In: Bréda Ch., Deridder M. et Laurent P-J. (dir.), La modernité insécurisée, Anthropologie des conséquences de la mondialisation, Academia-H : Louvain-la-Neuve 2012, p. 399-424 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/136157 |