Essafi, Anouar
[UCL]
Gerard, Marcel
[Louvain School of Management]
La question de l’existence d’une structure optimale du capital est un des sujets les plus controversés en finance d’entreprise. En effet, suite aux travaux de Modigliani et Miller en 1958, les études réalisées autour de la structure financière optimal se sont multipliées. La première partie de notre mémoire passe en revue la littérature économique relative à l’existence d’une structure financière optimale pour les entreprises : la firme peut-elle modifier sa valeur en agissant sur ses sources de financement ? Si oui, dans quelle mesure et laquelle faudrait-il privilégier ? D’une part, avant l’arrivée de l’article de Modigliani et Miller, les théoriciens traditionnels stipulaient qu’une structure optimale du capital existe et qu’elle se constituerait d’équité et de dettes jusqu’à un certain niveau optimal auquel la valeur de la firme atteindrait sa valeur maximale. En effet, bien que le coût de la dette soit inférieur à celui des capitaux propres, les firmes ne peuvent se financer exclusivement par dette pour la simple raison que le risque financier de celles-ci augmente avec leurs taux d’endettement : lorsque la dette d’une entreprise augmente fortement, les créanciers exigeront de celle-ci des rendements supérieurs suite à l’évolution constante de son risque. Dès lors, la firme doit user d’un financement par actions et d’un financement par emprunt dans des proportions qui n’augmente pas significativement son risque aux yeux des bailleurs de fonds. Ce taux d’endettement optimal permet ainsi d’atteindre un coût moyen pondéré du capital minimal qui maximise alors la valeur de l’entreprise. D’autre part, en 1958, les recherches de Modigliani et Miller bouleversent les esprits en stipulant que la valeur de l’entreprise est indépendante de sa structure financière. Ces conclusions, élaborées sous l’hypothèse des marchés parfaits de capitaux, vont recevoir de nombreuses critiques suite à leur cadre d’étude très restrictif. Suite à la proposition de nos deux auteurs, Berk & Demarzo (2011, p.525) concluent intuitivement que le coût moyen pondéré du capital est alors constant, et ce quel que soit le taux d’endettement de la firme : se financer par dette coûte moins cher mais fait progressivement augmenter le coût des capitaux propres de telle sorte que la résultante sur le coût de financement total est nul. Afin de rapprocher leur modèle de la réalité, les deux auteurs reviennent sur leurs travaux et publient en 1963 un nouvel article dans lequel ils incluent une composante non négligeable : la fiscalité des entreprises. Ainsi, Modigliani et Miller reformulent leur première proposition et concluent que la valeur d’une firme endettée dépasse celle d’une firme non-endettée d’un montant égal aux économies d’impôt réalisées, permises par la déductibilité des charges d’intérêts. En effet, lors de la contraction d’un emprunt, les firmes peuvent déduire de leur base imposable un montant égal aux charges d’intérêts. Cette déduction leur permet alors de diminuer la somme d’impôt à payer d’un montant égal au taux d’imposition multiplié par les charges d’intérêt : une firme endettée redistribue un montant de revenus supérieur à tous ses bailleurs de fonds que dans le cas où elle ne s’endette pas. Dans ce sens, l’économie d’impôt réalisée est socialement souhaitable car elle permet d’accroître les revenus totaux distribués aux investisseurs de la firme. En ce qui concerne l’impact sur le coût moyen pondéré du capital, celui-ci se verra diminuer grâce à la déductibilité fiscale des charges d’intérêts, le coût effectif de la dette étant plus petit que dans le cas d’hypothèse de non imposition. Après avoir démontré l’avantage du financement par emprunt en présence d’imposition, une question pertinente nous vient à l’esprit : dans la réalité, pourquoi les entreprises ne se financent-elles pas par emprunt uniquement ? Dans le même esprit que M&M, nous avons voulu élargir encore plus le cadre d’analyse en incluant cette fois-ci le coût de la faillite dans le calcul de la valeur de l’entreprise. Selon Welch (2009, p.663) avoir trop de dette augmente la probabilité de non remboursement de celle-ci et rendent les firmes plus sensibles à des risques de défaut de paiement et de mise en faillite. De plus, Selon Wruck (1990, cité dans Salloum et Azoury, 2008, p.5), la détresse financière est la situation dans laquelle se retrouve une firme lorsque celle-ci ne peut plus assumer ses dettes. Au total, le coût d’une faillite représenterait 10 à 23% de la valeur totale des actifs de l’entreprise avant la faillite. (Andrade & Kaplan, 1998, cité dans Elkhami, Ericsson & Parsons, 2011, p.1) Ainsi, afin d’être le plus objectif possible il nous apparaît nécessaire d’incorporer dans le calcul de la valeur de l’entreprises non seulement les avantages liés à l’endettement, à savoir les économies d’impôt réalisées, mais aussi les coûts de détresses financières qui apparaissent lorsque la firme endetté ne peut plus assumer ses dettes. En vue d’avoir des bases théoriques solides pour notre simulation d’investissement à Hong Kong, notre revue de littérature s’achève avec un aperçu des régimes fiscaux belges et hongkongais, notamment en matière d’impôt des sociétés, de régimes d’amortissement ainsi que des modes de financement des entreprises. Le régime fiscal hongkongais est nettement plus avantageux qu’en Belgique : le taux d’imposition y est de 16,5% contre 33,99% en Belgique. Les revenus d’intérêts sont taxés à 17% contrairement en Belgique où le précompte mobilier s’élève à 25% pour ces revenus. Aussi, les dividendes ne subissent aucune imposition à Hong Kong, contrairement à un taux de 25% en Belgique. Après avoir passé en revue la littérature économique relative à l’existence d’une structure financière optimale pour les entreprises ainsi que les régimes fiscaux belges et hongkongais, nous pouvons à présent commencer les calculs à proprement parler de notre investissement à Hong Kong. La seconde partie de notre mémoire consistera donc à optimiser d’un point de vue fiscal l’investissement d’une entreprise active dans l’import-export selon son implantation en Belgique ou à Hong Kong. Il s’agira de déterminer où, comment et pourquoi investir dans une zone plutôt qu’une autre. Plus précisément, il s’agira d’analyser l’impact de l’imposition des sociétés, du régime d’amortissement et du mode de financement sur notre investissement. Nous baserons nos conclusions principalement sur le critère de la valeur actualisée nette, tout en calculant le taux de taxation effectif ainsi que le taux interne de rentabilité de chaque possibilité. L’investissement s’élève à 100 millions d’euros répartis en équipement, bâtiments et conteneurs. Les principales hypothèses de travail sont que l’horizon temporel est long, le chiffre d’affaire annuel est de 50 millions et les coûts de gestion et personnel sont de 15 millions chaque année; le financement se fait par émissions d’actions dans le public local ou par emprunt auprès du public local. Ainsi, malgré l’avantage supérieur du régime d’amortissement belge et la présence des intérêts notionnels en Belgique, la fiscalité hongkongaise est fiscalement plus attractive principalement en raison de son faible taux d’imposition des sociétés de 16,5%. En ce qui concerne le mode de financement à utiliser, notre concluons via notre analyse que le mode de financement à privilégier est l’émission d’actions, que ce soit en Belgique ou à Hong Kong. En effet, les gains totaux liés à l’endettement en présence de coûts de détresse financière sont plus faibles que l’avantage issu du financement par émission d’actions. Il est cependant intéressant de noter que l’avantage lié au financement par action est du à deux mécanismes différents, selon que l’on soit en Belgique ou à Hong Kong : en Belgique, c’est le mécanisme des intérêts notionnels qui permet d’aboutir à une augmentation de VAN supérieure tandis qu’à Hong Kong, c’est la non-taxation des dividendes qui permet de recueillir un accroissement de VAN plus élevée lors du financement par émission d’actions que par emprunt. Finalement, la valeur actualisée nette du projet d’investissement se chiffre à 514,72 millions € à Hong Kong, largement supérieur à ce que le projet aurait fourni en Belgique : 400,65 millions €. Le taux de taxation effectif en Belgique est de 28,47% ; à Hong Kong, celui-ci se chiffre à 12,8% seulement.


Référence bibliographique |
Essafi, Anouar. Fiscalité et structure optimale du capital : cas d'un investissement à Hong Kong.. Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, 2015. Prom. : Gerard, Marcel. |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:2813 |