Deliège, Robert
[UCL]
Selon l'anthropologue Robert Deliège, spécialiste des intouchables, cette croyance est loin d'être solidement ancrée en Inde. Il conteste d'abord l'existence d'un « système » religieux hindou cohérent. Cette religion s'appuie sur un corpus de textes sacrés très disparates et sans grande unité doctrinale. Les textes de la religion hindoue varient fortement selon l'époque, la région, l'école de pensée ou la caste d'appartenance de leur auteur. C'est l'indianisme occidental qui a construit une représentation unifiée de la civilisation indienne, à partir de trois principes : l'unité doctrinale du système religieux, l'omniprésence de la religion en Inde et, enfin, la radicale différence entre la civilisation indienne et la nôtre.
Lorsqu'on dit que les hindous croient en la réincarnation, on imagine que les populations adoptent cette croyance comme une certitude absolue et se comportent en conséquence (il faut bien se conduire sur Terre si l'on veut une réincarnation de qualité). Les enquêtes ethnographiques menées dans les populations indiennes montrent une tout autre réalité. En fait, il y a plusieurs régimes de croyance qui varient selon les populations, les milieux sociaux, les régions. Pour certains, la réincarnation (samsara) est une certitude, pour d'autres, une possibilité, pour d'autres encore, une interrogation. « Je n'en sais rien, vas demander au brahmane », dit un paysan à l'anthropologue. Certains se moquent ouvertement de cette croyance. Parfois, la croyance en la réincarnation coexiste aussi avec d'autres notions, qui la contredisent.
De surcroît, ajoute R. Deliège, l'idée de réincarnation ne constitue pas un « modèle d'action », autrement dit, elle ne permet pas de rendre compte du comportement des acteurs sociaux. Du paysan à l'entrepreneur, de l'intouchable au membre d'une haute caste, on ne vit pas dans un monde baignant totalement dans les impératifs religieux.
Bibliographic reference |
Deliège, Robert. Les Hindous croient-ils en la réincarnation ?. In: L'Année sociologique, Vol. 50, p. 217-234 (2000) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/85680 |