Marion, Philippe
[UCL]
Gaudreault, André
[]
La périodisation est essentielle pour permettre à l’historien de
structurer son appréhension du passé et possède une finalité
relativement pédagogique. Tout exercice de périodisation est
cependant un discours sur l’histoire et procède d’un croisement
entre présent (celui du sujet historien) et passé (celui de l’objet
historique). Un croisement qui relèverait d’ailleurs davantage du
sujet percevant et de son contexte que de l’objet temporel supposément perçu. La périodisation serait ainsi fondamentale ment un
exercice proprement constructiviste. Premier exemple de périodisation, pour l’histoire du cinéma : le centenaire, en 1995. Mais
que célèbre-t-on, au juste, au bout de cette période de cent
années ? L’événement « originel » serait-il l’invention du Cinématographe
Lumière et le dépôt du brevet ? Si tel est le cas, parler
sans ambages du « centenaire du cinéma », c’est faire l’économie
de la démonstration à la base de pareil positionne ment, qui
établit une adéquation biunivoque entre cinématographe et
cinéma. Serait-ce plutôt la fameuse première projection publique
payante du 28 décembre 1895 au Grand Café à Paris ? Quel
statut aurait alors la toute première projection du Théâtre op -
tique d’Émile Reynaud, qui a eu lieu au moins trois ans avant
l’invention du Cinématographe Lumière ? Quel statut auraient
les projections de lanterne magique ? Il s’agira de montrer ici
que, dans le cas d’un média complexe comme le cinéma, l’on ne
peut utiliser la notion de périodisation que si on la conjugue au
pluriel et que tout essai de périodisation doit entrer en relation
avec les diverses séries culturelles au croisement desquelles
adviennent les médias. On verra qu’il n’est somme toute guère
aisé de faire se croiser le maillage inextricable d’un média
complexe comme le cinéma et une notion aussi unilinéaire et
simplificatrice que celle de « période ».
Bibliographic reference |
Marion, Philippe ; Gaudreault, André. Pour une nouvelle approche de la périodisation en histoire du cinéma. In: Cinemas : revue d'études cinématographiques, Vol. 17, no. 2-3, p. 215-233 (2007) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/83038 |