Taskin, Laurent
[FUCAM]
Le télétravail à domicile témoigne des transformations récentes du monde du travail (flexibilité, individualisation, développement des technologies de l'information et de la communication, attentes en termes de bien-être au travail). Dans ce contexte, cette nouvelle forme d'organisation du travail est souvent associée à un gain d'autonomie, voire à un relâchement du contrôle. La recherche présentée dans cette contribution porte sur la problématique du contrôle en GRH et étudie, plus spécifiquement, le processus de production, de transformation et d’intériorisation des règles de contrôle en situation de travail déspatialisé. Deux études de cas ont été réalisées dans l’administration publique belge sur base de 38 entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de 68 minutes intégralement retranscrits et analysés dans une perspective structurale, par l’émergence de catégories conceptualisantes. Le premier projet étudié ne se concrétisa toutefois pas, sans que la théorie de la régulation sociale de Reynaud mobilisée a priori ne nous permette de comprendre les raisons de cet échec. Face à cette situation et dans cette démarche compréhensive, nous avons mobilisé un autre référent théorique, l’approche conventionnaliste en gestion telle que développée par Gomez, pour les raisons qui seront évoquées plus tard. Cette démarche abductive illustre une dynamique de recherche qui s’inscrit dans le courant des Critical Management Studies à divers titres : d’abord, en proposant d’articuler deux référents théoriques d’obédience sociologique et économique pour comprendre un phénomène de changement organisationnel, la démarche présentée ici se veut multidisciplinaire ; ensuite, la dynamique de recherche abductive témoigne d’une réflexivité caractéristique des recherches critiques en gestion ainsi que de la centralité accordée à l’analyse du discours ; enfin, l’étude de la GRH comme processus de contrôle est l’objet de trop peu de recherches dans le domaine. Par ailleurs, notons aussi que les échecs sont (trop) peu souvent relatés dans la littérature en management. C’est l’articulation théorique originale entre la théorie de la régulation sociale et l'approche conventionnaliste en gestion qui débouche de cette dynamique de recherche qui est l’objet de cette communication. Au sein des organisations étudiées, cette recherche identifie dès lors des conventions de contrôle –qui sont socialement, historiquement et culturellement construites sur les notions de visibilité et de présence– sur lesquelles les acteurs ont indirectement prise, au travers de régulations sociales. Le contrôle semble s’intensifier par la superposition des formes de contrôle technocratiques, sociales et idéologiques qui, imbriquées les unes aux autres, caractérisent des modes de contrôle à la fois davantage formalisés (amenant à évoquer une certaine re-bureaucratisation) et subjectifs (où l'idéologie devient un levier majeur), dont les auteurs sont autant les pairs que le management, témoignant ainsi du déficit de légitimité sociale du projet de changement étudié (le télétravail) et du renforcement de la fonction de contrôle de la GRH. Finalement, la concrétisation d’un projet de changement paraît dépendre de la congruence entre les actions des acteurs, en ce compris les gestionnaires (les régulations sociales) et les principes supérieurs en vigueur dans l’organisation (les conventions et leurs repères).


Bibliographic reference |
Taskin, Laurent. Régulation sociale et conventions : une contribution critique à l'étude du changement organisationnel en gestion : Application à l'étude du télétravail dans deux administrations publiques belges.XXè Congrès de l'Association de Gestion des Ressources Humaines (AGRH) (Toulouse (FR), du 09/09/2009au 11/09/2009). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078/28936 |