Gijs, Anne-Sophie
[UCL]
Notre présentation s'articule autour du concept de "décolonisation" et se penche sur ses diverses acceptions épistémologiques en recourant à divers auteurs emblématiques (Fanon, Sartre, Senghor, Césaire, Foucault, Derrida, Saïd, Mbembe, Chakrabarty, Chakravorty Spivak, Davis, Dorlin...). Nous soulevons aussi la question suivante : comment, concrètement, nous former, au niveau universitaire et scientifique, pour réfléchir à nos sociétés, d’hier et d’aujourd’hui, de façon plus inclusive ? Depuis le milieu du 20e siècle, avec l’émancipation féminine et les mouvements anticolonialistes, plusieurs courants et théories renouvellent la manière d’écrire l’histoire et de décoder les sociétés actuelles. Parmi ces courants, il y a notamment, les Postcolonial studies, les Subaltern studies les Decolonial studies, mais aussi par exemple, l’histoire du genre et l’histoire connectée. Ces courants critiques et analytiques peuvent aider les étudiants, les chercheurs, mais aussi les citoyens que nous sommes, quelle que soit notre profession, à « décentrer » notre regard sur les choses, de manière à comprendre les systèmes de pensée et d’action passés et présents, ici et ailleurs, selon des perspectives nouvelles. Se « décentrer », cela peut impliquer un changement de regard, un changement de perspective, soit sur le plan géographique, lorsqu’on s’immerge au cœur d’autres sociétés que celles dont on est issus/natifs et qu’on observe le monde depuis ce nouveau point de vue, soit sur le plan temporel, quand on voyage dans l’histoire, ce qui peut nous amener à relativiser l’impact de certaines césures/ruptures chronologiques, (par ex. entre « période coloniale » et « postcoloniale »…). Et il s’agit aussi, plus fondamentalement d’un décentrement mental, qui implique de comprendre, d’abord, en quoi notre point de vue est « situé » dans un espace-temps spécifique, est donc, « relatif », ensuite, de comprendre comment il est possible de nous immerger dans les perspectives, dans le point de vue « de l’autre », « des autres », qu’il soit originaire d’un autre pays, d’un autre milieu social, ou même d’un autre contexte temporel. Il s’agit de découvrir d’autres modes de fonctionnement et de pensée, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour nous en enrichir, puisqu’ils nous permettront aussi de mieux nous regarder nous-mêmes, sous de nouveaux angles… Pratiquer une démarche de « décentrement » consiste donc, non seulement, à décoder nos sociétés sous l’angle des relations de pouvoirs - qu’ils soient « politico-économiques », de « genre », de « classe » ou de « race » - mais permet aussi d’aller davantage à la rencontre « des autres » et en particulier, des « subalternes » au sens d’acteurs/actrices souvent invisibilisés par les discours ou les savoirs dominants.
Bibliographic reference |
Gijs, Anne-Sophie. Décoloniser pour co-naître ?.Séminaire dispensé dans le cadre du Certificat en Justice Transitionnelle organisé conjointement par l'UCLouvain et l'ULB (Africa Museum à Tervuren, 11/05/2023). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/282110 |