"Comme nous existons" de Kaoutar Harchi : un dialogue postmigrant avec Annie Ernaux

Cet article propose une analyse comparée entre "Comme nous existons" de Kaoutar Harchi et l’œuvre autobiographique d’Annie Ernaux. Il entend démontrer que la protagoniste-narratrice de Harchi réactualise la femme transclasse dépeinte par Ernaux dans le contexte de l’immigration arabo-musulmane en France. Dans un premier temps, la comparaison révèle ainsi que, malgré les situations culturelles et historiques distinctes, il existe une série de constantes dans la figuration de la femme transclasse qui se voit confrontée à l’expérience de la domination masculine et sociale. Harchi et Ernaux s’attachent également à mettre en évidence leur besoin de passer par la lecture et l’écriture pour comprendre leur situation et affirmer leur agentivité dans l’espace social. Dans un deuxième temps, la comparaison permet aussi de mieux faire ressortir la spécificité de la protagoniste-narratrice de Harchi qui entremêle les discriminations raciales aux inégalités de genre et de classe sociale, déjà décrites par Ernaux. Ouvrant dès lors à une perspective intersectionnelle, préparée par Ernaux, "Comme nous existons" appelle à penser une France postmigrante qui, dans son tissu social comme dans sa littérature, laisse une place à l’expérience des jeunes Français d’ascendance musulmane.