Lecuppre, Gilles
[UCL]
Par sa renonciation à la grandeur suprême, Charles Quint a disloqué le rêve de monarchie universelle et attiré sur lui l’attention des théoriciens du politique et des historiens. Il ne faut pas oublier, toutefois, que cet abandon fascinant, riche en analyse rétrospective, s’est décliné en trois cérémonies distinctes. La première d’entre elles, celle de Bruxelles, comprend aussi des gestes, concertés ou plus ou moins improvisés – et tous chargés de sens a posteriori –, sur lesquels il convient de revenir, en ce qu’ils s’inscrivent dans l’héritage propre à cet espace. Outre les cessions du pouvoir pacifiquement enregistrées dans de simples actes non doublés de performances, les principautés médiévales qui ont été finalement regroupées, sinon fusionnées, sous la domination des ducs Valois de Bourgogne puis des souverains Habsbourg, avaient déjà connu des mises en scène solennelles du dessaisissement, notamment le duché de Brabant et les comtés de Hainaut-Hollande-Zélande. À trois reprises depuis le dernier tiers du XIIIe siècle, le titulaire légitime s’est défait de ses dignités et de sa capacité au profit d’un proche parent – frère, fils, cousin –, laissant deviner dans les gestes accomplis, autant que dans les paroles formulées, puis consignées, la complexité des situations, où se mêlent parfois à la démission les nuances de la capitulation, de la réparation, de la réconciliation, de l’intimidation, voire de l’humiliation. Quelque spectaculaire qu’elle puisse paraître, l’abdication de l’empereur prend place dans la continuité subtile de traditions locales et les donne à voir à une société politique soucieuse des formes et des symboles.
Bibliographic reference |
Lecuppre, Gilles. Les gestes de l'abdication dans les anciens Pays-Bas (1267-1555). In: Micrologus : natura, scienza e societa medievali - nature, science and medieval societies, Vol. XXX, p. 55-70 (2022) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/259447 |