Pilipili Muhima, Charles
[UCL]
Phénomène très banal, puisqu’il survient plusieurs dizaines de fois chez chaque être humain, comme chez les animaux de bon nombre d’espèces, l’éruption dentaire est le résultat de mécanismes mal connus et encore fort controversés.
Les théories formulées pour l’expliquer sont nombreuses et, pour ingénieuses qu’elles soient parfois, aucune d’elles n’a été à même d’en fournir une explication cohérente.
La situation paraît à ce point complexe qu’il fut admis, récemment encore (Marks, 1987 ; Moxham, 1988 ; Berkovitz, 1990), que l’éruption dentaire doit avoir une origine multifactorielle.
Le présent travail n’a donc pas la prétention de vouloir épuiser le sujet. Il est simplement destiné à apporter une contribution, que nous espérons originale, à un sujet qui nous préoccupe depuis le début de notre carrière.
Il est aussi un essai de réponse à des questions que nous nous sommes posées à la lecture de nombreux travaux parus sur le sujet.
Ainsi le fonds de l’alvéole est le siège d’une apposition, selon les uns (Brash, 1928a, b, c ; Orban 1928 ; Weinmann, 1941 ; Cahill et Marks, 1980, 1982), d’une résorption ostéoclastique, selon les autres (Manson, 1967, 1968 ; Dambrain, 1972), alors que strictement aucune précision n’est fournie à propos de l’enchaînement spatial et temporel entre ces deux activités de sens contraire, comme le veut l’histologie moderne (Dhem, 1965, 1967 ; Dhem et Piret, 1967).
Par ailleurs, aucun renseignement n’est donné à propos de la qualité des tissus osseux néoformés et, par conséquent, rien ne peut être déduit de l’allure à laquelle ils se sont constitués. Il est bien connu, en effet, que l’os fibreux réticulé se met en place beaucoup plus rapidement que l’os lamellaire (Goret-Nicaise, 1986). Celui-ci peut, en outre, suivant les cas, se déposer lentement ou rapidement (Lea et Ponlot, 1958 ; Ponlot, 1960).
Rien n’est dit du tissu chondroïde, récemment tiré de l’oubli (Goret-Nicaise et Dhem, 1982), et qui est un constituant essentiel de la mandibule en croissance.
Notre travail vise également à combler une lacune au plan méthodologique. En effet, alors que les coupes classiques à la paraffine, obtenues après décalcification, ont depuis longtemps montré leurs limites en histologie osseuse, rien, à notre connaissance, ne semble avoir été mis en œuvre pour traiter de l’éruption dentaire, du moins dans sa phase initiale, à l’aide de la microradiographie et de la microscopie en fluorescence appliquées aux coupes non déminéralisées.
Lorsqu’on cherche, comme c’est notre cas, à recueillir des données susceptibles d’être un jour d’application en clinique humaine, le choix du matériel d’expérience revêt une importance particulière, aussi bien pour ce qui concerne la qualité du tissu osseux que pour le type de dentition. Pour ce qui est de cette dernière, il va de soi que les animaux chez qui la croissance dentaire est continue sont à exclure. Certains d’entre eux, comme le lapin et le rat, le sont en plus pour des raisons qui tiennent aux particularités de leur squelette. Le premier est, en effet, dépourvu de tissu osseux spongieux à l’âge adulte (Dhem, 1967) et, chez le second, le remaniement haversien est absetn (Dhem, 1983).
Le choix du modèle animal dans l’étude des phénomènes biologiques est généralement dicté par la limitation et la faible disponibilité des prélèvements d’origine humaine. A partir d’observations cliniques et radiologiques, des données ont été obtenues sur l’éruption dentaire chez l’homme (Marks et al., 1988). Si elles ont permis une appréciation de la nature prévisible, bilatérale et symétrique du phénomène, elles n’en ont pas autorisé la compréhension. Celle-ci nécessite des investigations plus spécifiques de nature biomécanique, histologie et histo-immunochimique, difficilement applicables chez l’homme.
L’étude des mécanismes biologiques de l’éruption dentaire nécessite donc une analyse expérimentale. De nombreuses recherches ont pris pour cibles les dents à éruption continue que sont les incisives des rongeurs. Les animaux ont une croissance rapide et sont génétiquement sélectionnés pour un coût relativement bas. Malheureusement, en plus des raisons évoquées plus haut, ils ne se prêtent pas à l’étude de la résorption et de l’apposition osseuses qui accompagnent la migration des dents à éruption limitée, comme c’est le cas chez l’homme.
En vue de saisir la nature de ces modifications, nous avons pris pour modèle le corps de la mandibule du chien, et pur cibles, ses deux dernières prémolaires, P3 et P4. Nous les avons soumises à une analyse microradiographique et à la microscopie en lumière ultra-violette, pour la détection des marqueurs fluorescents de la calcification. Afin de conférer leur pleine valeur aux observations recueillies à partir des coupes orientées selon l’axe du corps et du ramus mandibulaire, nous les avons complétées par l’étude de coupes frontales.
pour mieux considérer les événements que nous allons décrire comme une suite du développement biologique de ces structures, nous avons rappelé, dans le premier chapitre, l’essentiel de leur embryologie. Nous avons rassemblé dans le second, tout ce qui, dans la littérature, a trait à l’éruption dentaire et à l’évolution des structures adjacentes.
Le chapitre III concerne le matériel et les techniques utilisés pour notre propre exploitation.
Dans le chapitre IV, nous avons regroupé les observations qui concernent les activités osseuses du fond de l’alvéole avant et juste au début du mouvement axial.
La chapitre V traite de la croissance transversale du corps mandibulaire au cours de l’éruption des prémolaires et le chapitre VI, des modifications qui accompagnent celle-ci, au niveau du fond alvéolaire. C’est là également que nous envisagerons l’élaboration de l’os alvéolaire interradiculaire et son éventuel rôle dans la migration dentaire.
Enfin, dans la chapitre VII, nous montrerons comment l’oxyde de zinc-eugénol, utilisé comme produit d’obturation canalaire au niveau des molaires temporaires, est susceptible d’influencer les événements se déroulant en dessous de celles-ci
Bibliographic reference |
Pilipili Muhima, Charles. Contribution à l'étude de l'éruption dentaire. Prom. : Demars, Christiane ; Dhem, Antoine |
Permanent URL |
https://hdl.handle.net/2078.1/247651 |