Casas Valencia, Olga
[UCL]
(eng)
The purpose of this thesis is to determine the specificities of the two Martinican writers who conceived Creoleness, Patrick Chamoiseau and Raphaël Confiant, when dealing with two topics directly related to their manifesto, i. e. In Praise of Creoleness. More particularly, I study their vision of the West Indian history, which is different from the colonial version, and the relations of the Martinican with the multifaceted Other, in order to find out where these themes converge and diverge. These topics determine the two parts of my thesis.
In a comparatist prospect, the first part of the thesis, whose objective is mainly descriptive, sets out the reasons why West Indians formed a hybrid society, and tries to identify the issues related to this society. It is worth pointing out that the Plantation – which was developed by the colonizer and deeply influenced the economic, political, social and cultural Caribbean practices – played a prominent role as it generates an ethnic diversity by hiring manpower coming from different cultures. But at the same time, the Plantation builds a well-structured social ladder, creates a supreme power held by Creole whites and by France, and determines the population concentration in first a rural and later an urban space. The system gives rise to a new culture, born three hundred years ago, which is diverse, fractured by political, linguistic and sociocultural barriers.
First, we define the key concepts related to history problematisation. As in West Indies History was imposed by the ruling power, the creolists therefore assign themselves the mission of rewriting their histories. The historical subdivision mainly adopted the one suggested by Edouard Glissant and puts to the fore the perspective of the dominated : the pre-Colombian period, the slave trade and the hold, the Plantation, slavery abolition, the rise of mulatto bourgeoisie and of a trading class, the status of the West Indian as a victim of world wars and departmentalization.
The second part, whose background is made up by the urban space, deals with the irony which targets the different groups in the Martinican society in their conflictual relationship with the Other. The choice of the tone, a component of which is mockery, depends on the fact that the creolists estimate that West Indians assume their reality in a certain jubilation, like a resistance to the oppression they suffered for centuries. More specifically, I tackle, in the first place, the issue of cultures in contact and then I analyze the Martinican society, mainly in a dichotomic way: on the one hand, the groups possessing political and/or economic power, and on the other hand the groups of the underprivileged deprived from these powers. In the first part, I therefore study the irony addressed to Aime Cesaire, mulattos, whites whether they are Creole or from France, and in the second part, the irony concerning the West Indians, the Coolies, the Chinese and finally the Syro-Lebanese.
Since the two authors are loyal to the identity premises developed in In praise of Creoleness, this implies that there are more convergences than divergences for the history issues. However, as far as cultural mosaic is concerned, Confiant presents a more coherent relationship between the theoretical concepts of Creoleness and the representation he makes of it in his novels, insofar as he deals more lavishly with the different groups which constitute the West Indian society. Conversely, Chamoiseau limits himself to depicting its dichotomic structure. Moreover, the novelistic fictions of both writers disclose a divided society; consequently, I observed that the syncretism and the unity of the cultural components that they value in their manifesto remain to be built. In a society that suffers from consequences of colonialism, their narratives underline the conflicts between communities. Implicitly, the two writers invite West Indians, and more globally human beings, to open themselves to otherness and be improved by the Other, without losing their identity.
If the creolists generally converge in their choice of irony targets, nevertheless they have their own characteristics. Each of them is original when using the processes related to usual practices. Chamoiseau resorts to more intertexts, launching so an intellectual challenge to his reader. We also observe that creolists tend to make use of event accumulation in order to mock; this accumulation is so excessive that it becomes grotesque. In Confiant’s novels, this tone is different due to the lubricity of sex-related situations. Chamoiseau’s work is characterized by the use of marvellous realism, the tale that reminds of the past and the invention of a fictitious world. As for Confiant, he differentiates himself by doing a pastiche of Cesaire and by setting up the microcosm of West Indian society.
(fre)
Le but de cette thèse est de déterminer les spécificités de deux écrivains martiniquais concepteurs de la créolité : Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, concernant la manière d’aborder deux thématiques qui s’inscrivent dans leur manifeste, à savoir Éloge de la créolité (1989). Nous étudions plus particulièrement leur vision de l’histoire antillaise, qui diffère de la version coloniale, et les relations du Martiniquais avec l’Autre multiple afin de relever en quoi ces thématiques convergent et divergent. Ces deux thématiques déterminent les deux volets de notre thèse.
Dans une perspective comparatiste, le premier volet de la thèse, à caractère majoritairement descriptif, énonce les raisons pour lesquelles les Antillais se sont constitués en tant que société hybride, afin de relever les problématiques liées à cette dernière. Il convient de signaler que la Plantation – développée par le colonisateur et ayant profondément influencé les pratiques économiques, politiques, sociales et culturelles de la Caraïbe – joue un rôle prépondérant car, en faisant appel à une main-d’œuvre issue de peuples de cultures différentes, elle engendre une diversité ethnique. Mais, en même temps, la Plantation construit une échelle sociale bien structurée, instaure un pouvoir suprême détenu par les Blancs créoles et par la France et détermine la concentration de population dans un espace rural, puis urbain. Ce système forge une nouvelle culture, jeune de trois cents ans, composite, fissurée par des barrières politiques, linguistiques et socioculturelles.
En premier lieu, nous définissons les concepts-clés concernant la problématisation de l’histoire. Comme aux Antilles l’Histoire fut imposée par le pouvoir dominant ; les créolistes se donnent donc pour mission de réécrire leurs histoires. La subdivision historique adopte essentiellement celle proposée par Édouard Glissant et met en avant la perspective du dominé : la période précolombienne, la traite et la cale, la Plantation, l’abolition de l’esclavage, l’apparition de la bourgeoisie mulâtre et d’une classe commerçante, la situation de l’Antillais en tant que victime des guerres mondiales et la départementalisation.
Le second volet, dont l’espace urbain constitue la toile de fond, traite de l’ironie qui prend pour cible les divers groupes de la société martiniquaise dans leur relation conflictuelle à l’autre. Le choix du ton, dont l’une des composantes est la raillerie, tient au fait que les créolistes estiment que l’Antillais assume sa réalité dans une certaine jubilation, comme une résistance à l’oppression subie pendant des siècles. Plus spécifiquement, nous abordons, en premier lieu, la problématique des cultures en contact pour analyser ensuite la société martiniquaise, essentiellement sous une forme dichotomique : d’une part, les groupes disposant de pouvoir politique et/ou économique et d’autre part, les groupes des démunis dépourvus de ces pouvoirs. Ainsi, dans la première partie, nous étudions l’ironie adressée à Aimé Césaire, aux mulâtres, aux Blancs qu’ils soient créoles ou de l’Hexagone et dans la deuxième, celle concernant les Afro-Antillais, les coolies, les Chinois et finalement les Syro-Libanais.
Fidèles aux postulats identitaires développés dans Éloge de la créolité par les deux auteurs, les convergences sont largement majoritaires pour les thématiques de l’histoire. Cependant, pour ce qui concerne la mosaïque culturelle, il existe, chez Confiant, une relation plus cohérente entre les concepts théoriques de la créolité et la représentation qu’il en livre dans ses romans, en ce sens qu’il traite plus largement des divers groupes constitutifs de la société antillaise. En revanche, Chamoiseau se borne à en brosser la structure dichotomique. D’autre part, les fictions romanesques de l’un et de l’autre dévoilent une société fracturée ; nous observons dès lors que le syncrétisme et l’unité des composantes culturelles qu’ils mettent en avant dans leur manifeste restent à construire. Au sein d’une société qui souffre des conséquences du colonialisme, leurs récits soulignent les conflits entre communautés. Implicitement, les deux auteurs invitent l’Antillais, mais plus largement l’être humain, à s’ouvrir à l’altérité et ainsi à s’enrichir par l’autre, sans perdre son identité.
Les créolistes convergent en général dans leur choix des cibles de l’ironie avec toutefois plusieurs caractéristiques propres à chacun. Quant au traitement du ton, chacun imprime son originalité dans les procédés par rapport aux pratiques habituelles. Chamoiseau utilise beaucoup plus d’intertextes, lançant un défi intellectuel à son lecteur. Nous relevons aussi une tendance chez les créolistes à recourir à l’accumulation d’événements dans le but de railler, laquelle frôle le grotesque dans l’excès ; chez Confiant, ce ton se différencie par la lubricité des propos sexuels. Sont spécifiques à Chamoiseau l’emploi du réalisme merveilleux, du conte comme déclencheur du passé et l’invention d’un monde fictif. Confiant, pour sa part, marque son originalité dans le pastiche de Césaire ainsi que dans la mise en scène du microcosme de la société antillaise.


Bibliographic reference |
Casas Valencia, Olga. L'éloge de la créolité à l'épreuve de la fiction : convergences et divergences dans les romans de Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant. Prom. : Jacques, Georges ; Gyssels, Kathleen |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/24515 |