Heering, Caroline
[UCL]
Spécialisé dans la peinture de fleurs, le peintre jésuite anversois Daniel Seghers (1590-1661) passe pour l’inventeur d’une formule picturale vouée à un grand succès : celle qui consiste à présenter une scène religieuse au centre d’un cartouche en grisaille, lui-même rehaussé et encadré d’une guirlande de fleurs. Fruit d’une collaboration entre Seghers, qui exécutait les fleurs ainsi que le cartouche, et un collaborateur, spécialisé dans la peinture des figures, ces œuvres illustrent toute l’ambivalence de ce genre de peinture, oscillant entre peinture de dévotion et nature morte. Elles s’inscrivent à cet égard dans la droite lignée des « Madones à la guirlande », une formule picturale dont l’inventeur n’est nul autre que le maître de Seghers, Jan Brueghel de Velours. Comme l’ont montré David Freedberg et Victor Stoichita, si ces peintures nées dans le contexte de controverse sur les images ont pu devenir de puissants instruments de la validité des images, c’est en jouant précisément sur l’articulation entre la scène religieuse centrale, présentée comme un objet, et son cadre de fleurs, qui devient le lieu du tableau. Dans les œuvres de Seghers, toutefois, cette articulation prend un tour différent : la présence des cadres ornementaux se fait de plus en plus importante, si bien que l’historiographie a toujours souligné le caractère « décoratif » des peintures de Seghers, lesquelles perdraient la valeur rituelle ou méta-réflexive qui sous-tendait les premières « Madones à la guirlande ». C’est cette problématique que l’on souhaite investiguer plus avant, en abordant les questions suivantes : au-delà du rôle qu’ils jouent dans la perception du tableau, quels sens (esthétique, symbolique, sémiotique) recouvrent ces cadres au sein de la culture visuelle de l’époque ? Quelles significations tirent-ils au regard du processus de création ? Comment répondent-ils au climat de controverses sur les images en modifiant la perception de la scène religieuse qu’ils encadrent ? Comment se positionnent-ils dans la lignée d’une réflexion sur le cadre engagée par la tradition picturale flamande ? Quels en seraient les enjeux au sein du contexte dévotionnel et religieux qui les voit naître, et plus spécifiquement au sein de leur contexte de création et de réception jésuite ?
Bibliographic reference |
Heering, Caroline. Une peinture de parerga. Le cadre comme ornement et l’ornement du cadre dans l’œuvre du jésuite anversois Daniel Seghers. In: La Part de l'Oeil, Vol. 2019-2020, no.33-34, p. 226-249 (2020) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/240471 |