Vielle, Pascale
[UCL]
(Co-premier auteur)
Estelle Ceulemans
Wattecamps, Céline
[UCL]
L’ARTICULATION TRADITIONNELLE ENTRE FINANCEMENT ET GESTION DU SYSTEME DE SECURITE SOCIALE EN BELGIQUE : NECESSITE OU CONTINGENCE ? UNE LECTURE NEO-INSTITUTIONNELLE « L’Etatisme, c’est une bureaucratie qui s’encroûte dans un isolement tendant à l’omnipotence, mais qui finit par s’endormir dans l’inertie. La gestion paritaire, c’est au contraire, une administration toujours vivante, parce que soumise à la direction supérieure de représentants directs des administrés eux-mêmes » (Fuss, 1951). Les comparatistes de la sécurité sociale caractérisent les modèles-types d’Etat-providence selon différents critères, parmi lesquels ses modes de gestion (étatique ou paritaire) et de financement (reposant plutôt sur l’impôt ou plutôt sur les cotisations sociales). Dans cette perspective, l’interdépendance d’une sécurité sociale dont le financement dépend à titre principal de contributions sur le travail et de sa gestion par les interlocuteurs sociaux - deux principes au fondement du modèle belge institué par le Pacte social en 1945 – constitue un trait caractéristique des modèles continentaux (ou encore « conservateurs » ou « corporatistes ») de sécurité sociale. L’association entre participation des interlocuteurs sociaux à la gestion, d’une part, et financement fondé sur les cotisations, de l’autre, est considérée comme une évidence et une nécessité, y compris par les parties prenantes de la sécurité sociale elles-mêmes. La loi du 18 avril 2017 portant réforme du financement de la sécurité sociale semble confirmer cette hypothèse, désormais classique, du caractère indissociable de la nature des ressources et du mode de gestion de la sécurité sociale : à l’issue d’une longue évolution, elle consacre en effet - sans le remplacer - la fin de ce modèle de financement et de gestion, et sa transformation en un Etat-providence de type « anglo-saxon » ou « libéral », largement financé par le budget général de l’Etat et géré par le pouvoir exécutif. Ses dispositions pourraient conduire à une incapacité croissante de la sécurité sociale à remplir ses missions. Depuis 2010, l’initiation d’un processus de défédéralisation de la sécurité sociale aggrave encore les risques qui pèsent tant sur la garantie de son financement que sur la participation des interlocuteurs sociaux à sa gestion. Cet article montre que l’interdépendance entre gestion et financement, postulée comme nécessaire, doit en réalité se comprendre à la lumière de la double matrice, bien antérieure au Pacte de 1945, qui l’a vue se dessiner : une économie fondée sur l’industrialisation, et une forme de gouvernement « à la belge » marqué par la concertation, présents dès la constitution de la Belgique en 1830 et qui subissent une érosion progressive depuis les années 1970. Cette lecture permet d’envisager comme contingent le lien entre forme de gestion et nature du financement et permet de penser une participation des interlocuteurs sociaux à la gestion de la sécurité sociale indépendante de l’évolution des sources de son financement. Dans les limites de ce texte, nous nous concentrons sur l’évolution des grandes caractéristiques de la gestion et du financement – surtout par l’ONSS – du régime des travailleurs salariés, bien conscientes cependant que certains secteurs comme celui des soins de santé présentent des traits spécifiques – et passionnants. Leur analyse plus approfondie mérite d’être réalisée, sous ce même angle, même s’il nous semble peu probable qu’elle invalide nos hypothèses centrales. Notre démonstration suivra le fil historique de la relation entre, d’une part, les principes de gestion et de financement et, de l’autre, la transformation de leur matrice originelle. Une première partie montrera comment ce modèle s’est ancré et consolidé dans une matrice économique et institutionnelle qui a été développée et renforcée jusqu’aux années 1970. La seconde partie présentera l’érosion des principes fondateurs, congruente à celle de cette double matrice, et leur dégradation radicale au cours des deux dernières législatures.
Bibliographic reference |
Vielle, Pascale ; Estelle Ceulemans ; Wattecamps, Céline. L’articulation traditionnelle entre financement et gestion de la sécurité sociale en Belgique, nécessité ou contingence? Une lecture néo-institutionnelle. In: Revue Belge de Sécurité Sociale, Vol. 04, no., p. (2021) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/231694 |