Jungers, Jean-Jacques
[UCL]
Nous vivons dans une période qualifiée de post-moderne, caractérisée par la remise en cause du caractère évolutif de l’humanité. En effet, « l’idée de progrès, qui impliquait que l’après put s’expliquer en fonction de l’avant, s’est échouée en quelque sorte sur les récifs du XXème siècle, au sortir des espoirs ou des illusions qui avaient accompagné la traversée du grand large au XIXème. » (Augé, 1992). En cause, nous dit Augé, les atrocités des guerres mondiales, la fin des grands récits,... Cette perte de confiance en l’idée de progrès engendre un regain d’intérêt vis-à-vis du passé, la technique y étant relayée au rang d’ennemie : technophobie caractéristique des moments de crise, recherche de valeurs transhistoriques, ..., réémergence de la distinction entre le sujet et l’objet, entre le pensant et l’aliénant. Le problème est qu’à trop se tourner vers le passé, l’architecture perd le rapport qu’elle entretenait avec le monde et avec son époque, et par là même sa capacité à faire sens et à symboliser. C’est ainsi que nous assistons à l’apparition d’une prolifération de styles architecturaux, ayant chacun leur « doctrine », leur sens propre ; néo-modernisme, post-modernisme, brutalisme, tendenza, high tech, déconstructivisme,... « cette pléthore de modes et de courants, à trop vouloir signifier, ne signifie en définitive plus rien. Le trop plein (celui des formes) véhicule le vide (celui du sens). L’excès engendre l’insignifiance... » (Galle, 2002). Pour l’architecte soucieux de produire une architecture signifiante, il apparaît d’une importance capitale, non seulement de pouvoir se situer par rapport à ces différentes tendances, mais aussi, et surtout, de chercher à comprendre ce qui, dans une société donnée et à un moment donné de son histoire, fait sens. Ce qui revient à se demander comment l’architecture pourrait à nouveau faire sens et retrouver "le matériau d’une grandeur moderne" (Ferry, 2001). Tenter de répondre à cette question, ce serait, comme le dit Hubert Galle, tenter de « récupérer le sens perdu de l’architecture, c’est récupérer la volonté d’affronter la période qui s’ouvre, dans tous ses défis. C’est donc, [dit-il] refuser la « fin de l’histoire ». Cette conviction retrouvée, [ajoute-t-il] ne viendra pour l’architecte, ni du développement croissant des techniques, ni de la conscience esthétique, mais bien d’une vision du monde. D’une vision adéquate. Adéquate en cela qu’elle doit inclure, comme condition de sa possibilité, les grandes questions du moment. La récupération du sujet, du sens perdu de l’architecture, passe par cette vision préalable. A chaque siècle son style, car à chaque siècle sa complexité, ses enjeux, son social, avec ses contradictions et ses ressorts »(Galle, 2002). C’est donc pénétré de l’importance et de l’urgence de cette question, préliminaire à tout acte architectural, que nous nous sommes intéressés à la médiologie. Cette discipline récente cherche à comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les faits de transmission. Comprendre un fait de transmission, c’est non seulement chercher à comprendre comment une idée se propage dans l’espace, mais aussi et surtout dans le temps. C’est donc comprendre comment une idée, par définition abstraite, peut avoir un impact sur le concret, si l’on veut bien considérer l’homme comme un animal symbolique, dans le sens où des symboles sont capables de le mettre en mouvement. Comprendre ce qui peut réunir et mettre en mouvement l’être humain, c’est comprendre ce qui fait sens dans une société à un moment de son histoire. C’est, donc, se donner la possibilité de redonner sens à celle-ci et, donc, de générer une vision du monde propre à son temps... « On parle souvent de « vue du monde » sans comprendre que cette métaphore doit toujours être prise littéralement. Alpers la prend très au sérieux. Comment une culture voit le monde. Comment le rend–elle visible ? Une nouvelle 'vue du monde' redéfinit ce que c’est que voir et ce qu’il y a à voir » (Bougnoux, 1993). Nous présenterons dans un premier temps ce qu’est la médiologie (sa définition, sa lecture de l’histoire, sa méthode,...). Dans un deuxième temps, nous montrerons comment la médiologie nous permet d’envisager l’histoire sous un angle autre que celui de la post- modernité et dès lors les liens qu’il est possible de tisser entre architecture et médiologie afin de répondre à la question à laquelle nous nous attelons, pour enfin conclure et lancer des pistes de recherche que la médiologie pourrait inspirer en architecture.


Bibliographic reference |
Jungers, Jean-Jacques. Architecture et médiologie : pour une architecture médiatrice de sens
(mémoire de fin d'étude, Instituts Saint Luc de BxL, Promoteur Xavier de Coster). (2003) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/223660 |