Sentiments d’injustices et théories du complot. Des subjectivités meurtries aux subjectivités meurtrières ?

Durant près de trois années, dans le cadre d’une recherche collective intitulée Adolescences en exil (Jamoulle, Mazzocchetti, 2011), j’ai enquêté dans des quartiers et des écoles du nord et du centre de Bruxelles auprès de jeunes migrants et de fils/ filles de migrants en provenance d’Afrique (Maroc ainsi qu’une dizaine de pays d’Afrique Subsaharienne) qui évoluent dans des environnements marqués par la précarité. Prenant principalement appui sur cette enquête, je tenterai dans ce chapitre de comprendre comment les jeunes rencontrés analysent eux-mêmes – avec quels mots, quelles catégories de pensée – leurs propres expériences de vie. De manière plus spécifique, je m’intéresserai principalement aux effets produits par les vécus d’injustice sur les représentations de soi et du monde, notamment en termes de complot, schéma d’interprétation largement partagé par de nombreux jeunes rencontrés.