Kernalegenn, Tudi
[UCL]
La sortie des années 1970 est douloureuse pour le mouvement breton dans son ensemble, mais pas plus (voire plutôt moins) que pour d’autres mouvances militantes. De fait, c’est au cours de cette décennie des années 1980 qu’est réinventé le mouvement breton contemporain. Les trois grandes familles politiques du mouvement breton se cristallisent très clairement à ce moment-là : une branche autonomiste de centre-gauche, autour de l’UDB, la seule vraiment présente dans les institutions ; une branche nationaliste de droite se revendiquant héritière de l’Emsav traditionnel, représentée aujourd’hui par le Parti Breton ; enfin, une branche indépendantiste d’extrême-gauche, très activiste, portée aujourd’hui par Breizhistance (qui a remplacé Emgann à partir de 2009). Pour la première fois, chacune de ces familles a présenté une liste à l’élection régionale des 6 et 13 décembre 2015 : respectivement la liste Oui la Bretagne (6,71 %), la liste Notre chance l’indépendance (0,54 %) et la liste Bretagne en lutte – Breizh o stourm (0,62 %). Que ce soit musicalement ou au niveau de la langue, les années 1980 sont également une décennie de maturation et de consolidation des réseaux, qui transforment nombre d’engagements militants en investissements professionnels et institutionnels sur la longue durée. Mentionnons par exemple la trajectoire de Lena Louarn, militante à Skol an Emsav dans les années 1970, présidente de Skol an Emsav et directrice de la revue Bremañ à partir des années 1980, présidente de l’Office de la langue bretonne depuis 1999, et vice-présidente du conseil régional de Bretagne en charge de la politique linguistique à partir de 2010 . Finalement, loin de l’image dépressive véhiculée par certains acteurs, on se rend compte, sur la longue durée, que les années 1980 sont probablement la décennie où les avancées les plus substantielles pour le mouvement breton se sont réalisées, à la fois grâce à la maturation des militants formés au cours des années 1970 et grâce aux nouvelles opportunités institutionnelles et financières offertes par la charte culturelle tout d’abord, à partir de 1977, ensuite par la décentralisation (1982-1986) qui renforce les capacités budgétaires et d’initiative politique des collectivités territoriales et enfin par un climat politique plus ouvert aux revendications culturelles.


Bibliographic reference |
Kernalegenn, Tudi. La recomposition du mouvement breton au tournant des années 1980. In: Richard, Gilles & Ollitrault, Sylvie, Les Années Mitterrand, 1984-1988 : L’alternance et la première cohabitation vues des régions, Presses universitaires de Rennes : Rennes 2018, p. 87-96 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/201325 |