Bellérophon et les fragments d'Euripide

Qu’évoque la figure de Bellérophon dans l’imaginaire collectif ? Plus peut-être qu’au héros lui-même, on pense d’abord à Pégase, son cheval ailé, peut-être aussi à la créature mythique qu’est la Chimère. Le personnage est pourtant haut en couleurs : tout comme Hippolyte, Bellérophon est séduit puis accusé à tort par la femme de son hôte ; ce héros qui, à l’instar d’Héraclès ou de Thésée, accomplit de nombreux exploits, est ensuite frappé par la haine des dieux. Rejeté des dieux comme des hommes, Bellérophon est acculé au désespoir et remet tout en question, jusqu’à l’existence même des dieux. Le noyau de cette légende est présenté au chant VI de l’ "Iliade" ; il s’agit là de la plus ancienne attestation écrite du mythe. Ce récit a fait l’objet de deux tragédies d’Euripide, aujourd’hui fragmentaires : le "Bellérophon" et la "Sthénébée". Nous n’avons conservé d’Euripide que dix-huit ou dix-neuf pièces complètes ; toutes les autres sont perdues. Néanmoins, 78 pièces nous sont parvenues à l’état de fragments, et plus de 250 fragments proviennent de pièces non identifiées (incertarum fabularum fragmenta, fr. 845-1106). Plusieurs questions se posent dès lors : une reconstitution de la pièce est-elle possible ? le nombre, la longueur et le contenu des fragments le permettent-ils ? les pièces à sujet mythologique peuvent-elles être reconstituées avec l’aide d’autres récits antiques ? ou, à l’inverse, est-il possible d’enrichir certains mythes par les fragments dont nous disposons ?