Cartes, routes et chemins symboliques dans l'Enéide

Dewez, Frédéric [UCL]

L’anthropologie permet, dans ses avancées récentes, de mieux comprendre la complexité du monde symbolique de l’Antiquité. Virgile et son Enéide nous proposent un exemple de cette complexité. Les analyses effectuées permettent d’appréhender la grande épopée romaine comme récit donnant à voir de façon cryptée une série de cartes, de routes et de chemins symboliques, tendant à défnir des itinéraires initiatiques. Deux réseaux ont été identifés : un processus initiatique qui établit une carte de la progression d’Enée au milieu de la faune et de la flore d’une part et, en lien avec ce niveau terrestre, une correspondance avec une carte céleste d’autre part. Deux aires zodiacales servant un projet spirituel d’Enée ont alors été mis en évidence. A partir de ces matériaux, et en élargissant l’analyse, s’est posé le problème de la représentation dans une perspective symbolique. De manière générale, il a fallu comprendre ce qui faisait l’originalité de certains passages de l’Énéide que la critique a négligés ou pour lesquels aucune explication proposée n’était satisfaisante. Ils ont été interprétés à la lumière de la symbolique astrale ou zodiacale et des realia de l’archéologie pour faire admettre les exégèses plus symboliques. Il apparaît clairement maintenant que Virgile a eu l’idée d’un symbolisme astrologique pour donner une dimension cosmique et initiatique à la trajectoire géographique du voyageur, et audelà, pour donner une autre vision de l’imperium. Cette interprétation a été confortée par l’analyse des poèmes virgiliens faite par Eliade. Virgile donne à voir une catharsis qui a pour objet de retrouver le mythe archaïque de la régénération annuelle du cosmos au moyen de sa recréation périodique par le Souverain. Les astres ont dû jouer un rôle directement lié à la propagande politique, comme peut l’indiquer la disposition des fora de César et d’Auguste. Virgile use des réalités astronomiques dans leur rapport à une lecture astrologique, induite par un système de références mythico cosmologiques et qu’il use de l’imaginaire astrologique des Romains pour fournir les symboles astraux dont Auguste a besoin pour accéder à l’apothéose.