Roginsky, Sandrine
[UCL]
Les institutions européennes offrent un cadre d’étude original et pertinent pour analyser les parcours des professionnels en communication. Au sein du Parlement européen comme de la Commission européenne cohabitent des professionnels aux modalités de carrière très différentes, pour lesquels la fonction de communication et le travail qui lui est attaché peuvent recouvrir des modes d’expression et de réalisation tout aussi différents. Ceci ne doit néanmoins pas faire oublier la construction d’un ethos commun « qui rend intelligible et acceptable l’activité du professionnel » en communication (Baillargeon et al. 2013, cité par Lépine, 2016). Celui-ci émerge autour notamment de l’usage des dispositifs numériques, comme les réseaux socionumériques, qui « accompagnent la redéfinition des professions et contribuent à l’institutionnalisation de savoir, de savoir-lire et de savoir-faire » (Grignon, 2015). Ces dispositifs deviennent ainsi des « équipements de l’expertise » (Trépos, 1996) qui s’insèrent et participent à des modalités de carrière spécifiques et permettent à des professionnels en communication en mal de reconnaissance (Roginsky, 2016) d’acquérir une nouvelle forme de légitimité. C’est là en effet un paradoxe et une spécificité des institutions européennes : alors que la rhétorique du déficit de communication de l’Union européenne fait recette (Aldrin, 2009) et tend ainsi à faire de la communication une priorité politique et institutionnelle, les professionnels en communication semblent néanmoins composer avec un statut de dominé (Hughes, 1996) au sein de ces institutions. D’ailleurs, les agences d’affaires publiques et de communication fleurissent à Bruxelles qui mettent en avant leurs propres professionnels supposés détenir une expertise faisant défaut aux communicateurs évoluant au sein des institutions. Ce qui nous amène à étudier le groupe des communicateurs de la « bulle européenne » (Georgakakis, 2011) non comme une « unité communautaire » qui partage « une même identité ou de[s] valeurs communes », mais comme une configuration liée aux « conflits d’intérêts et de changements » (Strauss, 1992). Les dispositifs numériques deviennent dans ce contexte des « objets frontières » qui traversent le groupe et les univers professionnels (Bergeron et al., 2013), en transportant avec eux des attendus et des normes, comme les indicateurs de performance (Lépine, 2013), qui ne sont pas sans conséquence sur les pratiques professionnelles et les formes d’hybridations professionnelles. C’est « un monde au travail » (Becker, 1988) que nous observons ici. Cette perspective nous conduit à privilégier un double cadre d’analyse, centré sur les mondes sociaux au sens de Strauss et sur les acteurs qui les composent tout en prenant en compte le rôle des objets dans une approche interactionnelle (Chiapello & Gilbert, 2013). Pour ce faire, le travail s’appuie sur une méthodologie triple : la participation observante (Soulé 2007), la conduite d’entretiens semi-directifs et l’analyse discursive de productions de communication.


Bibliographic reference |
Roginsky, Sandrine. Les communicateurs de l'Europe à la recherche d'un dénominateur commun: la difficile fabrique de l'ethos professionnel à l'aune des dispositifs socionumériques.85ème Congrès de l'ACFAS (Université de McGill, Montréal, du 08/05/2017 au 12/05/2017). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/186481 |