En Wallonie, la question de l’accompagnement à domicile (AD) se pose pleinement pour une population âgée de plus en plus nombreuse qui aspire à rester chez elle mais dont la probabilité est forte de voir cette aspiration entravée par des pathologies, l’isolement social et le manque de ressources financières. Du côté des pouvoirs publics, la volonté est d’encourager le AD à travers « des projets de recherche et d’innovations sociales portées par les entreprises à profit social » . Sur le terrain, des pratiques nouvelles se développent, qualifiées d’« innovations sociales » (IS) en raison de la finalité sociale qu’elles poursuivent et de leurs modes opératoires. Ces pratiques sont susceptibles d’induire des transformations profondes dans la vie des séniors et de leur aidant·e·s, mais également dans l’organisation de l’offre des services. Le soutien à leur développement est une préoccupation de la Région Wallonne qui finance, par le programme Germaine Tillion, la recherche afin de produire des connaissances utiles aux organisations innovantes. WISDOM (Innovation sociale dans l’accompagnement au domicile en Wallonie) est une collaboration des trois équipes de recherche (CIRTES, CRISS et IRSS) et des acteur·trice·s de terrain: trois fédérations de l’aide et des soins (FASD, FCSD, Fedom,) et la Fédération des maisons médicales (FMM), qui sont membres du comité d’accompagnement du projet, et la fédération intersectorielle des entreprises à profit social (UNIPSO), qui est aussi le parrain du projet. La question de recherche principale qui guide les travaux des équipes du consortium WISDOM est celle de l’identification des conditions dans lesquelles émergent et se diffusent les innovations sociales dans le domaine du domicile en Wallonie, en prenant à la fois le point de vue des personnes qui portent les projets, des travailleur-se-s et des usager·e·s. Trois questions de recherche plus précises sont explorées au niveau des déterminants de l’émergence et de la diffusion, au niveau des ressources, des relations sociales et des conditions de travail qui caractérisent l’innovation sociale : 1. Quels sont les modèles d’hybridation des ressources dans l’innovation sociale et quelle évolution de ces modèles dans les différentes phases de l’innovation, de l’émergence à sa diffusion ? Quelle articulation entre modèle d’hybridation (et logique socioéconomique sous-jacente) et le modèle d’intervention (et la mission sociale sous-jacente) ? 2. Quelles sont les caractéristiques de la transformation des relations sociales et des rapports sociaux interprofessionnels entre les acteurs impliqués dans les IS, et plus particulièrement les professionnels de soins de santé (MG, inf, pharmaciens, kinés, psys…) ? 3. Quels sont les déterminants organisationnels et psychosociaux, du (manque de) bien-être au travail, de l’absentéisme, du turnover ainsi que leurs interactions dans les innovations sociales ? La piste de recherche suivie est celle d’un cercle vicieux minant la stabilité et la durabilité des initiatives innovantes dûe à la présence accrue de facteurs de risque psychosociaux liés aux caractéristiques du secteur, à la précarité des emplois et au stress professionnel dans l’innovation. Le premier rapport intermédiaire (octobre 2015) a permis d’identifier les nouveaux contours de ce domaine en extension et d’en spécifier les principaux axes thématiques (habitat alternatif, soutien aux aidant·e·s proches, soutien psychologique, projets communautaires, approche multidisciplinaire, innovation sociales à forte dimension technologique). L’objectif du présent rapport intermédiaire est de rendre compte de la phase 1 des analyses effectuées à partir des études de cas menées depuis décembre 2015. Il se présente sous la forme de six contributions qui investiguent chacune un pan différent de l’innovation sociale en matière d’accompagnement à domicile des personnes âgées. Ces analyses sont menées concomitamment à la récolte de données, c’est pourquoi certaines présentent l’armature d’un raisonnement dont les développements seront entièrement lisibles dans le rapport final tandis que d’autres revêtent la forme d’articles prêts à la publication. Ce rapport intermédiaire offre donc une première vision kaléidoscopique de l’innovation sociale repérée en trois grandes perspectives : des analyses centrées sur le concept-même d’innovation sociale en matière d’accompagnement à domicile tel qu’il se présente en Wallonie, des analyses centrées sur certains domaines d’intervention de l’accompagnement à domicile, des analyses transversales à ces domaines d’intervention. Les contributions 1 et 2 détaillent le processus de caractérisation et d’identification des innovations sociales elles-mêmes tel qu’il a été réalisé grâce à la méthode Delphi. La dimension partenariale de la méthode mise en œuvre a non seulement permis de sélectionner des cas mais aussi de contribuer à une définition contextuelle de l’innovation sociale, ancrée dans le contexte wallon et dans les perceptions des principaux acteurs du champ de l’accompagnement des personnes âgées. La première contribution intitulée « Identifier et sélectionner des cas d’innovation sociale » permet de comprendre les étapes du travail ayant permis la construction d’un consensus autour de six domaines d’intervention fondamentaux de l’accompagnement à domicile et 14 cas à étudier. Elle se présente sous la forme d’un article prêt à la publication (ouvrage de l’IWEPS). La seconde, intitulée « Innovation sociale ou innovation sociale de santé ? » fera l’objet elle aussi d’une publication (anglophone, en santé publique) et revêt à ce stade la forme d’un abstract détaillé qui se propose d’examiner la dimension proprement sociale de l’innovation dans le domaine du Healthy ageing tel que prôné par l’OMS et les pouvoirs publics au niveau européen, en confrontant les éléments de définition repérés dans la littérature en santé publique aux résultats du Delphi qui intègre dans son processus de caractérisation les perceptions de différents types d’acteurs de terrain. Les contributions n°3 et n°4 s’intéressent de façon spécifique chacune à un domaine d’intervention de l’accompagnement à domicile : l’habitat alternatif et plus précisément, l’habitat partagé intergernérationnel pour l’une, la maladie d’Alzheimer pour l’autre. « Où est passé le householding ? Contribution théorique et empirique ancrée dans un terrain d'habitat partagé intergénérationnel en Belgique » la contribution n°3, fait dialoguer théorie polanyienne et terrain de l’habitat partagé. Il s’agit d’un article prêt à être soumis à publication (RECMA : Revue internationale d’Economie Sociale). La contribution « L’innovation sociale autour de la maladie d’Alzheimer…» (Analyse n° 4) étudie différentes innovations sociales menées en Wallonie dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et s’intéresse à la manière dont elles constituent un « milieu » à partir du développement d’une vision commune de la maladie et de l’intervention auprès des patient·e·s et de leurs proches. Cette note de recherche sera retravaillée en vue d’être prochainement soumise à publication (Revue Sciences sociales et santé). Les contributions n°5 et n°6 proposent des analyses qui traversent les domaines d’intervention de l’accompagnement à domicile pour examiner les innovations sociales au prisme d’une thématique transversale : l’ancrage territorial dans le premier cas, le bien-être des travailleurs dans l’autre. La contribution n°5 pose en effet les premières pierres d’un article qui portera sur la dimension territoriale des innovations sociales analysées. Sous le titre « Les espaces sociaux de l’innovation sociale… », cette contribution propose une première revue de la literature sur le lien entre care et territoire. Une fois confrontée aux cas d’innovation sociale analysés dans le cadre de WISDOM, elle débouchera sur une typologie des rapports qu’entretiennent avec leur(s) territoire(s) les initiatives en matière d’accompagnement à domicile. La sixième et dernière contribution porte le titre suivant : « Does being part of a social innovative service trigger employees’ job satisfaction and well-being at work…? ». Elle investigue la question de la satisfaction au travail et du bien-être des employé·e·s dans le secteur de l’accompagnement à domicile des personnes âgées. Se faisant, elle met l’accent sur une dimension particulière de l’innovation sociale, l’innovation de travail. Cette contribution est une première version d’un article qui sera soumis également à publication bientôt (Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly). La finalité opérationnelle explicite de la recherche est d’appuyer les processus d’innovation sociale dans les entreprises sociales œuvrant auprès des personnes vieillissantes pour leur permettre de continuer à vivre à domicile ou de déménager dans un l’habitat qui leur soit adapté. Il s’agit de fournir des outils concrets pour ses acteur·trice·s, et plus particulièrement pour les employeur·se·s et les pouvoirs publics, et d’identifier les éléments indispensables pour susciter une réponse adéquate aux besoins liés au vieillissement. Actuellement, il existe très peu d’outils destinés à soutenir l’innovation dans le secteur. WISDOM comble ce manque sur le terrain tel qu’identifié par l’UNIPSO. Le délivrable final fournira donc les éléments de connaissances indispensables sous la forme d’un rapport de recherche scientifique qui présentera les principaux résultats de la recherche et d’une « toolbox» . Elle se décline autour de plusieurs axes thématiques dont les corrélations seront également soulignées et se présentera sous la forme de fiche-outils (cf ci-dessous). Afin de mener à bien son objectif opérationnel, WISDOM s’appuie sur plusieurs dispositifs méthodologiques fondés sur l’étude multi-cas. Ces dispositifs permettront de mener à bien : 1. l’identification et la sélection des cas d’innovation sociale (voir les rapports intermédiaires 1/2/3 d’octobre 2015) 2. leur analyse approfondie à travers des études de cas (rapport intermédiaire d’octobre 2016 et rapport final de septembre 2017) 3. la traduction de l’analyse en outils opérationnels à destination des acteur·trice·s de terrain (septembre 2017). Ces analyses répondent à une préoccupation commune qui est d’identifier les ressorts de l’émergence de l’innovation et les conditions de leur institutionnalisation. Elles doivent permettre, à terme et conformément aux objectifs du projet de recherche, d’apporter des connaissances utiles pour l’intervention des pouvoirs publics.
Bensliman, Rachida ; Callorda Fossati, Ela ; Casini, Annalisa ; Degavre, Florence ; Macq, Jean ; et. al. Les innovations sociales dans l'accompagnement à domicile en Wallonie. Deuxième rapport intermédiaire de la recherche Les innovations sociale. (2016) 95 pages