Kipasa Mayifulu, Patrick
[UCL]
(fre)
Dans des contextes de violence, la parole tient souvent un rôle central. Mais ce rôle se révèle parfois ambivalent. En effet, si la parole peut aider à dépasser la violence, elle contribue parfois aussi à l’engendrer, voire à l’amplifier, quand ce n’est pas à la commettre. L’histoire de Joseph en Gn 37-50 est un des récits du premier Testament où le narrateur met en scène ce double rôle de la parole par rapport à la violence, avec une maîtrise remarquable. Bien que la question du lien entre violence et parole se déploie manifestement dans ce long récit, elle n’a pas encore fait l’objet d’une étude approfondie. Les auteurs qui s’intéressent à ce chef-d’œuvre d’art narratif se penchent plutôt sur d’autres thématiques, tout aussi intéressantes. S’ils abordent la question du rapport entre la parole et la violence, ils ne le font qu’incidemment. C’est à tenter de combler ce manque qu’est consacrée cette recherche qui ne se limite qu’aux trois premiers chapitres qui ouvrent l’histoire de Joseph (Gn 37-39). L’itinéraire proposé dans ces trois épisodes de l'histoire de Joseph fait percevoir les différents chemins que peut emprunter la parole pour engendrer la violence, pour la mitiger, voire lui faire obstacle. Le cas le plus fréquent est que la parole est cause de violence. Elle n’amène jamais à un vrai dialogue en Gn 37, parce que faussée par les calomnies, la haine, la jalousie, les dissimulations. En Gn 38 elle est l’instrument du pouvoir qui s’impose et de la tromperie destinée à sauver la face, avant de devenir en Gn 39, le redoutable outil au service de la manipulation, du mensonge et de la ruse. Mais il n’y a pas que ceux qui veulent faire mal aux autres qui jouent de la ruse et du mensonge. Ceux qui visent le bien pour un maximum des gens y recourent aussi. Ainsi dans ces récits, la ruse – utilisée avec sagesse et finesse – se révèle-t-elle parfois d’une efficacité qui, grâce à son pouvoir déstabilisant ou anesthésiant, peut aider à atténuer, à neutraliser voire à empêcher la violence. Cette étude narrative de quelques pages de la Genèse montre la richesse de ce texte, mais aussi sa force d'évocation de la réalité humaine. Elle débouche sur une synthèse qui représente une contribution significative à une anthropologie biblique de la parole, contribution dont l'originalité consiste à se baser sur des récits qui, a priori, n'offrent pas un discours sur l'homme comme le font les écrits de sagesse ou certains textes prophétiques.


Bibliographic reference |
Kipasa Mayifulu, Patrick. Parole et violence : une analyse narrative de Genèse 37-39. Prom. : Wénin, André |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/183302 |