Devresse, Marie-Sophie
[UCL]
Alors qu’en Belgique, les nombreux problèmes posés par le recours massif à la détention préventive sont régulièrement sous le feu de l’actualité, parler de son exécution par surveillance électronique pourrait représenter une bouffée d’air frais, une ouverture vers une solution très attendue. Cette idée est d’ailleurs celle que l’on retrouve dans les travaux parlementaires qui ont présidé à l’adoption de la loi qui introduit, dans notre pays, le mandat d’arrêt exécuté sous surveillance électronique. Afin de s’attaquer au volet préventif de la surpopulation carcérale, l’assignation à résidence, disent nos mandataires, constituerait assurément une formule gagnante. Un aperçu des questions parlementaires régulièrement posées à ce sujet aux ministres qui se sont succédé au département de la justice montre bien qu’il y a en effet, dans la classe politique, un unanimisme jusqu’à ce jour non démenti quant à la capacité de cet outil à endiguer le surpeuplement des maisons d’arrêt. On pourrait dès se limiter à chercher à savoir si la surveillance électronique permet vraiment de diminuer le nombre de personnes incarcérées préventivement ou, au mieux d’en empêcher l’accroissement. Mais réduire les questions posées par le recours à la surveillance électronique dans la phase qui précède le jugement à un problème d’efficacité instrumentale par rapport à la surpopulation carcérale apparait réducteur, même si cet aspect est évidemment important. On peut en effet très vite traiter cette interrogation sur l’efficacité en la renvoyant à ses fondamentaux, abondamment traités dans la littérature criminologique. Pas besoin alors de s’embarrasser d’un questionnement sur l’outil technique ou même sur ce que devient la détention préventive. Dans cette perspective, le problème, dans sa composante quasi comptable se résume à savoir, comme pour toute mesure envisagée comme alternative à une autre dans le processus pénal, si elle joue bien son rôle de substitut au lieu de s’y surajouter. La question se pose alors dans les termes bien connus de « l’extension du filet », formule utilisée lorsqu’un changement administratif ou pratique dans le système de justice criminelle se traduit par un accroissement du nombre de personnes placées sous son emprise. Cette expression est aujourd’hui tant usitée qu’elle est tombée dans le domaine commun. Nombreux sont, par exemple, les parlementaires qui s’y réfèrent lors des débats, ce qui est d’ailleurs l’indicateur que le risque de produire cet effet quantitatif par l’adjonction d’une nouvelle mesure à la panoplie judiciaire est à cet égard totalement assumé. Sans escamoter totalement cette question, il semble plus intéressant d’ouvrir plus largement le questionnement. Car envisager le recours à la surveillance électronique dans le cadre de la détention préventive peut se faire de deux manières. Soit le sujet est abordé par le pôle « détention préventive » et l’on se demande alors en quoi la substitution de la prison par le bracelet modifie ou non la conception et/ou l’exécution de cette mesure. Soit la question est travaillée au départ du pôle « surveillance électronique », c’est-à-dire celui de l’outil technique et l’on s’interroge alors sur l’impact qu’a le contexte de détention préventive sur la conception de la technologie et la manière dont on en fait usage. En d’autres termes, la surveillance électronique, en tant qu’appareillage qui accompagne une mesure, peut être envisagée très différemment selon que l’on porte le regard sur ce qu’on lui fait faire, ou au contraire sur ce qu’elle produit par elle-même. Ces deux perspectives, souvent confondues (l’intérêt pour la technique phagocyte souvent le contenu de la mesure), supposent des analyses et des développements sensiblement différents. Sans doute conduisent-elles d’ailleurs à des appréciations distinctes de l’efficacité de la dite « détention préventive sous surveillance électronique », dans sa composante non statistique. La présente contribution envisage dès lors de se livrer tout d’abord à l’exercice de ce distinguo et de traiter ensuite la question plus précise de son efficacité quant à la surpopulation.
Bibliographic reference |
Devresse, Marie-Sophie. La détention préventive sous surveillance électronique : vraie ou fausse bonne idée ?.Détention préventive : comment sans sortir ? Colloque du Centre de recherches criminologiques de l’ULB, du SAD et de l'ASM (ULB, Bruxelles, 04/12/2015). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/178036 |